Journal de l'année Édition 1996 1996Éd. 1996

Il conviendrait, par ailleurs, de relativiser la notion même d'essai : la miniaturisation des charges rend de plus en plus aléatoire la définition d'un « tir nucléaire ». Ainsi, les Américains ont admis avoir procédé à plusieurs essais non annoncés, et que personne n'avait détectés. Sans doute est-il vrai que Paris a choisi un bien mauvais moment pour mettre fin au moratoire mitterrandien – année du cinquantenaire d'Hiroshima et de Nagasaki ; comme il est aussi avéré que le vrai danger écologique procède moins aujourd'hui du nucléaire militaire que de son pendant civil : Tchernobyl et ses avatars potentiels sont là pour l'attester.

Des options nouvelles

Au-delà du seul aspect nucléaire, la défense française a orienté son avenir sur une série de décisions qui ont paru à contre-courant de la tendance générale. On serait bien en peine de trouver, ces dernières années, quelque chose de comparable à la tempête qui a soufflé à l'Assemblée nationale et au Sénat, en juin, à l'annonce d'une réduction de plus de 8 % des seuls crédits d'équipement militaire dans le collectif budgétaire 1995. À l'heure où les États membres de l'OTAN ont renoncé à engranger les dividendes de la paix, recommençant, au contraire, à accroître leurs dépenses militaires, la France a choisi de renouer avec ses essais nucléaires et de réviser à la baisse son budget militaire. De plus, la fermeture du site du plateau d'Albion – symbole, avec ses missiles enfouis, de la défense du seul sanctuaire national – a témoigné qu'une page était désormais tournée. Le remplacement, selon toute vraisemblance, des missiles enfouis par des avions Rafale dotés d'un missile air-sol nucléaire, est une option qui privilégie la création d'un outil de dissuasion mobile et adaptable, dont l'ambition est plus nettement communautaire : les avions peuvent en effet se mouvoir à l'intérieur d'un même espace européen de sécurité. Quoi qu'on ait pu penser de sa filiation gaulliste, Jacques Chirac n'est donc pas le successeur du général, qui était littéralement cramponné à une conception quasi isolationniste de la dissuasion.

M.-H. Labbé, la Tentation nucléaire, Payot, Paris, 1995.
Prolifération et non-prolifération nucléaire, Presses de la Fondation pour les études de défense, Paris, 1995.

Philippe Faverjon

Le comité stratégique

Un mois après l'élection de Jacques Chirac, le ministère de la Défense a décidé de se doter d'un comité stratégique. Celui-ci est composé, outre les représentants de l'Élysée et de Matignon, des hautes autorités militaires et civiles de la Défense : les chefs d'état-major, le délégué général à l'Armement, le directeur général de la Gendarmerie, le secrétaire général de la Défense nationale. Ce comité est appelé à faire œuvre d'« innovation et de rénovation ». C'est-à-dire rompre avec les habitudes du passé consistant en particulier à voter des lois de programmation qui ne sont jamais respectées. À plus long terme, l'objectif du comité sera d'ordre stratégique : formuler des propositions en vue de jeter les bases d'une nouvelle défense ; ce qui exigera de réécrire une loi de programmation 1995-2000.

Les effectifs

En 1995, on recensait, toutes catégories de personnels confondues, 606 000 hommes (militaires et civils) relevant directement du ministère de la Défense. À l'heure des coupes budgétaires, il est prévu de diminuer très sensiblement ces effectifs : en l'an 2000, il ne devrait plus y avoir que 579 000 serviteurs de l'outil militaire. Pour mémoire, les effectifs militaires et civils s'élevaient à 667 445 personnes en 1990.

Un satellite espion en orbite

En lançant, le 8 juillet, leur premier satellite espion, la France, l'Italie et l'Espagne ont jeté les bases d'une politique commune du renseignement. Hélios 1-A est capable de voir des détails de 1 mètre à la surface du globe. Ce satellite diffère de Spot, notamment, par une sécurité accrue de ses liaisons avec le sol et, surtout, par un ensemble de prise de vues (EPV) original réalisé par le groupe Aerospatiale. Sur les performances de l'EPV, on ne dispose que de peu d'informations précises. Chaque pays coopérant aura le droit de réaliser des prises de vues en proportion de sa participation financière à l'ensemble du programme. Avec Hélios 1-A, les pays européens, à commencer par la France, vont pouvoir s'affranchir de la dépendance vis-à-vis des États-Unis en matière d'observation militaire : le satellite procurera aux autorités militaires et politiques les renseignements censés leur permettre de prévenir et de gérer les crises. En décembre, l'Allemagne confirme sa participation au projet.