Depuis l'affaire de l'Airbus, fin décembre 1994, cette stratégie s'est trouvée menacée dans la mesure où le soutien, non seulement financier mais aussi militaire et politique, au gouvernement algérien pouvait déclencher les représailles de telle ou telle mouvance de l'islamisme armé. La multiplication des attentats terroristes depuis le 25 juillet (8 morts tués par bombe dans le RER gare Saint-Michel), couramment attribués au GIA, a confirmé ces craintes. En octobre, la rencontre manquée à New York entre Jacques Chirac et le président Liamine Zeroual, par ailleurs candidat aux élections présidentielles, a donné lieu à plusieurs interprétations polémiques en raison d'une annonce sans doute prématurée et des risques de représailles qui pouvaient en découler. Les coups portés par la suite aux réseaux terroristes semblent, dans une certaine mesure, avoir écarté ce risque. La France souhaite désormais conditionner son assistance financière (5 milliards de francs par an environ) aux progrès de la démocratisation politique en Algérie.

L'Europe et la Russie

Alors que l'Espagne assume depuis juillet la présidence de l'Union européenne, la France oscille entre des positions restrictives et l'affirmation d'un « grand dessein européen ». Il convient de distinguer en fait l'application des accords de Schengen, à laquelle Jacques Chirac se montre résolument hostile en raison de la porosité des frontières belges et néerlandaises, de la perspective de la monnaie unique, à laquelle le gouvernement français semble s'être loyalement rallié par une réduction massive des déficits publics. Les sommets européens de Cannes (juin) et de Majorque (septembre) n'ont pas apporté tous les éclaircissements nécessaires. Les relations franco-russes demandent également à être précisées. Pour la France, la Russie demeure une grande puissance imprévisible, qui suffit à elle seule à justifier l'existence d'une force de dissuasion renforcée. La Russie s'inquiète quant à elle du soutien que la France pourrait apporter à un élargissement de l'OTAN, à la Pologne notamment. Elle refuse, de ce fait, l'envoi d'un contingent militaire en Bosnie qui serait placé sous le contrôle de cette organisation. La rencontre Chirac-Ieltsine à Paris, les 20 et 21 octobre, n'éclaire guère la teneur d'un projet français de « vaste partenariat » qui unirait la Russie à l'Alliance atlantique.

Bernard Droz