Lucas Sidaine

Philippe Séguin

Il a du caractère, Philippe Séguin. Trop même pour certains de ses détracteurs, qui n'hésitent pas à trouver le président de l'Assemblée nationale passablement caractériel. Il est vrai que les colères du quatrième personnage de l'État sont célèbres. Et elles ne visent pas que ses adversaires politiques, les socialistes. Ses propres amis, Premier ministre en tête, sont payés pour le savoir. Devant la timidité des réformes du gouvernement, n'avait-il pas, du haut de son « perchoir », dénoncé un « Munich social » ? Depuis, ses emportements ne se sont pas apaisés. Il tonne, tempête et tonitrue contre l'Europe, les divisions de la majorité, la corruption. Il y a du capitaine Fracasse dans cet homme-là. Ce Méditerranéen – il est né à Tunis, il y a 51 ans – au physique imposant et au verbe redouté (il est l'un des meilleurs orateurs de sa génération) est, dans son propre camp, un empêcheur de tourner en rond. Trop indépendant pour être discipliné, trop impulsif pour dissimuler ses convictions, qui sont nombreuses, et trop ambitieux pour se taire, ce gaulliste authentique dérange. Il exaspère les barons, il est adoré de ses militants. Depuis sa campagne pour le non à Maastricht, ce grand admirateur de Napoléon III, du Général et de Pierre Mendès France est devenu une pièce incontrôlable, mais maîtresse, du RPR. Qu'on le veuille ou non, l'élu des Vosges – il en est député depuis 1978 et maire d'Épinal depuis 1983 – s'est érigé en gardien vigilant du dogme gaullien. Entre Balladur et Chirac, qu'il a pratiqués tous les deux lorsque, jeune énarque, il était un modeste conseiller de Georges Pompidou à l'Élysée, Séguin a choisi le maire de Paris. Il se reconnaît mieux en lui pour porter les couleurs du RPR à la présidentielle. Mais qu'on ne compte pas sur l'ancien ministre des Affaires sociales de la première cohabitation pour apporter un soutien inconditionnel. Ce passionné de foot joue trop « perso » pour signer un chèque en blanc. Il n'a pas le tempérament d'un godillot et compte bien faire entendre sa différence pour accomplir son destin : l'Élysée en 2002.

Lucas Sidaine