Journal de l'année Édition 1995 1995Éd. 1995

Archéologie

La chasse aux origines de l'homme est rouverte : à deux reprises, en avril et en septembre, la revue scientifique anglaise Nature a annoncé la découverte en Éthiopie de fossiles très anciens d'hominidés, c'est-à-dire appartenant à la famille zoologique humaine. L'Éthiopie ayant autorisé de nouveau (depuis 1989) les missions paléontologiques dans ses célèbres régions à fossiles, les institutions américaines ont été les premières à reprendre les recherches. Leurs missions visaient évidemment l'Afar éthiopien, où l'on avait déjà trouvé les restes de la fameuse Lucy ainsi que les plus vieilles pierres taillées connues.

La première découverte a été celle d'un crâne. Découverte importante, car il s'agit du crâne d'un australopithèque, ce groupe d'êtres pré- et parahumains qui vivaient en Afrique australe et orientale à l'extrême fin de l'ère tertiaire. Trouvé dans le même site que Lucy (Hadar), mais à un niveau moins ancien, il a tout de suite été baptisé son « fils », bien que près de 200 000 ans les aient séparés (3 millions d'années contre 3,18 millions). Le nouveau fossile montre de grandes ressemblances avec l'ensemble de ceux que l'on connaît pour la même période, Lucy comprise. Pour Donald Johanson, William Kimbel et Yoel Rak, il doit entrer dans la même espèce qu'eux ; il aurait donc été un mâle Australopithecus afarensis. Lucy était, on le sait, une femelle. L'espèce se serait donc caractérisée aussi par de grandes différences entre les sexes, avec, chez les mâles, une taille beaucoup plus grande, des canines beaucoup plus fortes, des os plus épais... et, nous dit-on, une compétition sexuelle très vive. Ce dimorphisme sexuel serait du même ordre d'importance que celui du gorille ou de l'orang-outan et bien supérieur à celui de l'espèce humaine. Ainsi se trouve accentué le caractère mosaïque de ces australopithèques très anciens chez lesquels, à côté de la bipédie (station debout) et d'un mode d'accouchement déjà tout à fait humain, on trouve la capacité de grimper aux arbres, révélée par des articulations de type chimpanzé.

L'autre découverte a été faite à 80 km au sud de Hadar et concerne une cinquantaine de dents et de pièces osseuses très détériorées, nettement plus anciennes puisqu'elles sont datées de 4,4 millions d'années. Selon les découvreurs, l'Américain Tim White, le Japonais Gen Suwa et l'Éthiopien Berhane Asfaw, on ne peut pas encore en dire grand-chose, sinon que ce sont des restes d'australopithèques brisés et dispersés par des carnivores et que les dents seraient celles de végétariens. Ces restes appartiennent à un groupe de 17 à 20 individus, pour lesquels on a cru devoir créer une espèce nouvelle, Australopithecus ramidus, l'australopithèque des racines... Aucun fragment de bassin ou d'articulations n'a été trouvé qui aurait permis de savoir de quelle façon ces « ramidus » se déplaçaient. L'apparition de la bipédie reste donc pour le moment dans le brouillard. Les fossiles plus anciens que ceux de Hadar demeurent de toute façon extrêmement peu nombreux et fragmentaires. Seules de nouvelles recherches dans les niveaux géologiques de 3 à 7 millions d'années pourront permettre de répondre un jour aux deux grandes questions actuelles : existait-il ou non des êtres humains à l'époque de Lucy ? Quand, comment et par quels êtres s'est distingué le groupe zoologique d'où les hommes devaient sortir ?

L'épave du San Diego

Le 14 décembre de l'an 1600, un galion espagnol coulait près de Manille, à l'issue d'une bataille sans merci contre un vaisseau hollandais. En avril 1991, son épave était découverte par 50 m de fond près de l'île de la Fortune. En 1994, après deux campagnes de fouilles sous-marines et la restauration du matériel, effectuée en France, une exposition à la Grande Halle de la Villette, à Paris, ressuscitait en partie le navire.

Les recherches de Franck Goddio et de son Centre européen d'archéologie sous-marine ont permis de récupérer tout le matériel plutôt hétéroclite de ce vaisseau de commerce transformé en navire de guerre : les 14 canons, les 400 jarres pour l'eau et les provisions, des monceaux de porcelaine chinoise, et ce qu'il restait des hommes : quelques pièces de squelette. Les membres de l'équipage étaient jeunes, petits (1,59 m en moyenne) et en mauvaise santé.

Jean Clottes et Jean Courtin, la Grotte Cosquer, peintures et gravures de la caverne engloutie, Le Seuil, 1994.
Alain Schnapp, la Conquête du passé, aux origines de l'archéologie, Éditions Carré, 1994.

Henri de Saint-Blanquat