Inaugurée fin septembre, à Grenoble, l'Installation européenne de rayonnement synchrotron, plus connue sous le sigle ESRF (European Synchrotron Radiation Facility), vient désormais compléter la panoplie des outils d'exploration de la matière. Envisagée dès 1975, construite à partir de 1988, cette machine de 2,6 milliards de francs a été financée par douze pays européens, au premier rang desquels la France (34 %), l'Allemagne (24 %), l'Italie (14,5 %) et la Grande-Bretagne (12,5 %). Elle offre à la communauté scientifique une source optimisée de rayonnement X de grande énergie, avec un flux très intense. Les chercheurs disposent ainsi de possibilités nouvelles pour déterminer la structure de molécules biologiques (protéines et virus), distinguer des microdéfauts dans les solides (alliages, métaux, semi-conducteurs), étudier l'ordonnancement des matériaux amorphes comme les verres, comprendre les phénomènes de catalyse, radiographier les vaisseaux sanguins, etc.

Avancées en médecine

L'actualité médicale reste largement dominée par les recherches sur le sida. La mise au point de traitements antiviraux efficaces s'avère malheureusement très délicate. Les résultats les plus récents confirment que les mécanismes aboutissant au déficit immunitaire de l'organisme sont beaucoup plus complexes qu'on ne le croyait. On place à présent de grands espoirs dans la thérapie génique. Celle-ci propose d'introduire dans le noyau d'une cellule un gène nouveau qui modifiera le fonctionnement habituel de la cellule et celui de sa descendance. Dans le cas du sida, il s'agit soit de rendre un lymphocyte infecté par le virus insensible à l'action de celui-ci, soit de préserver les précurseurs lymphocytaires de l'atteinte virale. Un motif de satisfaction tout de même pour les chercheurs français : au terme de dix ans de controverse, les autorités américaines reconnaissent enfin officiellement que la paternité de la découverte du virus du sida, en 1983, revient à l'équipe de l'Institut Pasteur, dirigée par le professeur Luc Montagnier. La mobilisation internationale en faveur de la lutte contre le sida ne saurait faire oublier les recherches menées pour vaincre d'autres maladies. Depuis 1978, le médecin colombien Manuel Patarroyo travaille à la mise au point d'un vaccin contre le paludisme, un fléau qui, sur le seul continent africain, tue entre 1 et 3 millions d'enfants chaque année. Des tests effectués en Tanzanie viennent confirmer des résultats antérieurs obtenus en Amérique latine. Ils montrent que le vaccin de M. Patarroyo, le SPf 66 (pour Synthetic Plasmodium falciparum et 66 essais), présente une certaine efficacité, supérieure à 30 %. Dans un avenir proche, on devrait donc disposer du premier vaccin antiparasitaire et entièrement synthétique. Pour cette avancée majeure dans la lutte contre la malaria, le docteur Patarroyo reçoit, à l'automne, le prix Robert Koch, l'une des plus hautes distinctions scientifiques allemandes.

L'humanité vieillit, l'Univers rajeunit

Tandis que des chercheurs se préoccupent de la santé humaine, d'autres s'efforcent de remonter jusqu'aux racines de l'humanité. Une équipe américano-nippo-éthiopienne annonce, en septembre, la découverte, près d'Aramis, en Éthiopie, d'une cinquantaine de fragments d'os provenant de dix-sept individus représentant une nouvelle espèce d'hominidé. Celle-ci, Australopithecus ramidus, âgée de 4,4 millions d'années, détient désormais le titre de plus vieil ancêtre direct de l'homme, avec un million d'années de plus que la célèbre Lucy, trouvée en 1974. L'homme serait donc apparu plus tôt qu'on ne le pensait. L'Univers, en revanche, selon des observations récentes, ne serait âgé que de 8 à 12 milliards d'années, alors que certaines observations antérieures lui accordaient jusqu'à 20 milliards d'années. Mais il semble par ailleurs bien établi que les étoiles les plus vieilles de notre Galaxie ont environ 16 milliards d'années. Comment admettre qu'elles puissent être plus anciennes que l'Univers lui-même ? Ce paradoxe représente un nouveau défi pour les astrophysiciens.

Philippe de La Cotardière
Journaliste scientifique