Journal de l'année Édition 1995 1995Éd. 1995

Malgré tout, la SNCF espère poursuivre ses investissements destinés à construire de nouvelles lignes TGV, dont la rentabilité doit être inférieure à celles déjà existantes (ainsi, le taux de rentabilité du TGV Est serait de 4 %, en deçà du seuil de 8 % que la SNCF s'était fixé). Or, le réseau ferroviaire à grande vitesse est voué à s'étendre en Europe. À commencer par la Grande-Bretagne avec la mise en service des rames Eurostar. Paris ne sera plus qu'à 3 heures de Londres. En attendant, les trains à grande vitesse de la SNCF desservent 136 villes de l'Hexagone et Paris n'est plus incontournable pour les passagers qui vont du nord au sud, et inversement. En mai, la structure en étoile du réseau de chemin de fer français est prise en défaut grâce à l'interconnexion des lignes TGV Nord, Sud et Atlantique.

SNCF : le grand écart

Avec un déficit de 7,7 milliards de francs en 1993, la SNCF est plus que jamais dans le rouge. La récession et le fiasco de Socrate, le système de réservation électronique lancé en 1993, y sont certes pour beaucoup. Cependant, Jacques Fournier, qui a quitté la présidence de l'entreprise en mai, incrimine d'abord l'indécision des pouvoirs publics, lesquels exigent de la société nationale qu'elle assure son rôle de service public tout en restant à la pointe de la compétition internationale. Entre compétitivité et aménagement du territoire, la SNCF ne saurait fonctionner en « double commande » sans un engagement clair de l'État.

Cocorico !

Au terme d'une lutte acharnée, le TGV français décroche le contrat de 2 milliards de dollars visant à équiper une ligne à grande vitesse en Corée du Sud. La ligne reliera dans 8 ans la ville de Séoul à celle de Pusan, distante de 410 km. Le consortium GEC-Alsthom, qui fournira 46 rames, la signalisation et les systèmes d'électrification, a mis en avant sa longue expérience en matière de train à grande vitesse. Le TGV, qui sillonne la France depuis 12 ans, est le train le plus rapide du monde (300 km/heure en vitesse commerciale). Il est plus léger, plus puissant et plus économique que son principal concurrent : l'ICE, développé par les Allemands de Siemens. Mais ce qui a définitivement permis d'emporter la décision a été le prix. Séoul a encouragé les surenchères. Alors que, en août 1993, GEC-Alsthom avait été choisi – reconnaissant être allé « à l'extrême limite de ses sacrifices financiers » –, les Allemands optent pour de nouvelles propositions financières, inférieures de 10 %. Les Coréens font alors monter les enchères avant de désigner officiellement, une seconde fois, en août, le consortium franco-britannique, lequel a dû concéder d'importants transferts de technologie : la moitié – contre 44 % un an plus tôt – des matériels roulants sera réalisée par la Corée du Sud, qui, ensuite, aura toute liberté de vendre cette technologie pour son propre compte.

L'avion

Reconstruction

Virtuellement en faillite avec 7,5 milliards de francs de déficit et un endettement de 37 milliards. Air France avait besoin d'un électrochoc. Christian Blanc, l'ancien P-DG de la RATP, s'y emploie depuis sa nomination à la tête d'Air France en novembre 1993, après la grève qui avait coûté 1 milliard de francs à la compagnie et qui avait conduit Bernard Attali à la démission.

M. Blanc se propose de « reconstruire » Air France. Son plan prévoit 5 000 suppressions d'emploi mais aucun licenciement, le gel des salaires pendant 3 ans et l'augmentation du temps de travail afin d'améliorer la productivité de l'entreprise de 30 % en 3 ans. Pour avoir les coudées franches, le nouveau président organise un référendum et met sa démission dans la balance. Au printemps, les personnels lui accordent leur confiance à plus de 80 %. Ce « plébiscite » ouvre la voie à la recapitalisation de 20 milliards de francs promise par l'État. La Commission européenne donne rapidement son aval. Christian Blanc possède alors toutes les cartes pour réorganiser le groupe Air France. Il crée les CDR (Centre de résultat), entités autonomes responsables de leurs personnels, de leurs avions, de leurs produits et de leur gestion. Il existe un CDR pour chaque zone géographique et pour chaque activité. Les personnels navigants sont inquiets de voir leurs conditions de travail totalement redéfinies. Air France déménage de ses bureaux de la gare Montparnasse pour s'installer à Roissy, au bord des pistes.