Les difficultés de cette transition se reflètent dans la montée du chômage, qui touche 12 % de la population active, et dans la chute de 35 % de la production industrielle et des échanges avec la République tchèque. De plus, la Slovaquie n'a attiré que 12 % des investissements étrangers placés dans l'ancienne Tchécoslovaquie.

Georges Mond
Membre du comité de rédaction de la Revue d'études comparatives Est-Ouest

Yougoslavie : l'enlisement

Malgré de multiples tentatives de conciliation, notamment à la fin de 1993 (conférence de Genève, pourparlers d'Oslo), la situation n'évolue guère. Les médiateurs David Owen (CE) et Thorvald Stoltenberg (ONU) élaborent une solution, discutée à Genève à partir du 31 août : ce plan international de partage de la Bosnie en trois républiques unies par des liens très lâches au sein d'une confédération n'est accepté que par les délégations croate et serbe (et ni par la République autoproclamée des Serbes de Bosnie ni par le gouvernement musulman bosniaque). Le problème reste donc en suspens, ce qui est d'autant plus grave que les sanctions décrétées depuis 1992 par l'ONU ainsi que l'embargo devant paralyser la vie économique de la Serbie et du Monténégro ont rendu la vie des populations difficile, sans réussir pour autant à interrompre le commerce des armes.

L'année 1993 introduit cependant une innovation importante : la résolution 808 du Conseil de sécurité de l'ONU, adoptée à l'unanimité le 22 février, institue, pour la première fois depuis le procès de Nuremberg, un Tribunal pénal international pour juger les responsables présumés des crimes de guerre dans l'ex-Yougoslavie.

La Bosnie continue d'être le théâtre d'affrontements atroces et meurtriers, qui auraient fait, selon les autorités bosniaques, plus de 150 000 morts. Aucune solution, avec les Serbes et les Croates, ne semble en vue...

L'imbroglio est encore accentué par la sécession, en septembre, de la région autonome de Bihac (200 000 habitants dont 80 % de Musulmans), enclave du nord de la Bosnie. Fikret Abdic, un des membres de la direction collégiale de Bosnie, se proclame chef de la région. Destitué par le président Izetbegovic, il se proclame alors président de la Bosnie. Le 22 octobre, il signe à Zagreb un accord de paix avec le chef des Croates de Bosnie, Mate Boban, et un autre le lendemain à Belgrade avec le président de la République des Serbes de Bosnie, Radovan Karadzic. Des combats ont lieu entre les deux forces musulmanes, « régulières » et « autonomes ».

La Serbie est dirigée depuis le 10 février 1993 par le gouvernement de Nicola Sajnovic, partisan dévoué du président Slobodan Milosevic qui n'a cessé, à la faveur de deux crises politiques, d'accentuer son autorité.

La première crise a lieu en juin, à l'instigation du Mouvement du renouveau serbe (SPO) de l'écrivain Vuk Draskovic, figure de proue de l'opposition démocratique. Une manifestation réunit le 1er juin à Belgrade quelques milliers d'opposants qui dénoncent la « terreur fasciste » du pouvoir. Cette manifestation a un retentissement international d'autant plus grand que Vue Draskovic et son épouse Danica sont violemment battus et emprisonnés. Devant la pression de l'opinion publique, la visite de Danielle Mitterrand et la grève de la faim des deux prisonniers, le couple est finalement libéré. Ce bras de fer a aussi provoqué la destitution du président de la Fédération (fonction honorifique), le célèbre écrivain Dobrica Cosic, en désaccord avec Slobodan Milosevic dont il dénonce le pouvoir « despotique », et son remplacement par Zoran Lilic, un partisan dévoué du chef de l'État.

Le durcissement du pouvoir se confirme dans la seconde crise : l'opposition entre Slobodan Milosevic et son ancien allié Vojslav Secejl, leader du Parti radical, mouvement nationaliste extrémiste. En octobre, les radicaux, qui ont déposé une motion de censure contre le gouvernement, sont accusés de « crimes contre les populations civiles » en Croatie et en Bosnie, et arrêtés. Slobodan Milosevic dissout le Parlement et ordonne des élections anticipées pour le 19 décembre.