L'économie mondiale en 1993

Vue de Sirius, l'expansion économique mondiale se poursuit à un taux d'environ 2,2 % pour 1993, c'est-à-dire un peu supérieure au 1,6 % enregistré l'année précédente. Mais le centre de gravité du monde continue à se déplacer vers l'Asie. Au taux de change courant, le produit intérieur chinois représente 10 % du produit mondial. Les autres pays asiatiques (hors Japon) suivent à un rythme de croissance de l'ordre de 7,5 %.

Diagnostic

Les États-Unis, sortis de la récession fin mars 1991, poursuivent leur croissance à un rythme proche de 3 %, grâce notamment à des taux d'intérêt particulièrement bas (3,23 % sur le marché monétaire au jour le jour le 21 septembre). Mais, en comparaison des six cycles précédents, cette expansion reste lente. Elle ne s'accompagne pas d'une franche reprise de l'emploi. Les gains de productivité renforcent les bénéfices des entreprises, mais ne soutiennent guère la demande intérieure, peu stimulée par les salaires. Des taux d'intérêt encore plus bas (2,44 % à la même date) n'ont pas suffi à faire sortir l'économie japonaise d'une conjoncture restée médiocre pour la deuxième année consécutive. Le record mondial de compétitivité reconnu à ce pays par le Forum économique mondial depuis huit ans ne va plus de pair avec une croissance forte. L'Europe de l'Ouest est globalement en récession (– 0,3 % pour la CE, – 0,1 % pour l'AELE). L'Europe de l'Est stagne à 0 %. L'ex-URSS poursuit sa chute qui est l'inévitable rançon d'une reconversion accomplie dans le désordre et la confusion.

Le profil d'évolution trimestrielle laisse espérer une stabilisation préludant à une reprise en Europe. En effet, l'année 1993, qui a fort mal commencé pour le Japon et l'Europe de l'Ouest, s'achève sur quelques signes timides de reprise. Mais, si les États-Unis et le Royaume-Uni semblent sortir de la récession, leur croissance reste malgré tout limitée, de sorte que la demande émanant des principaux partenaires de la France demeure faible.

De ce fait, le taux d'utilisation des capacités de production de la Communauté européenne a chuté de 86 % (au plus haut en 1988-1990) à moins de 77 % au premier semestre de 1993. Cette situation est peu propice à une rapide reprise des investissements. De même, les conséquences des excès financiers commis au cours de la seconde moitié des années 1980 continuent de peser sur la conjoncture : l'endettement excessif des entreprises et des ménages se résorbe lentement au fil des remboursements. Les banques, trop lourdement engagées dans des concours financiers à l'immobilier et à l'industrie, voient leurs facultés de prêt notablement réduites. La diminution des recettes fiscales et la rigidité des dépenses publiques augmentent le déficit des administrations bien au-delà de la limite de 3 % du PIB. Ces déficits accroissent mécaniquement le poids de la dette publique. Les États doivent placer une fraction importante des titres de la dette publique sur les marchés internationaux, ce qui les expose à des aléas particuliers. Enfin, trop de capitaux sont placés dans des titres à rendement fixe, au détriment des placements productifs mais à risque. Bref, la liberté de manœuvre des États européens s'est affaiblie. À force d'accroître la part des prélèvements obligatoires et des dépenses publiques dans l'économie, les États finissent par devenir plus les jouets que les maîtres de la conjoncture.

Les éléments de la reprise

L'économie américaine, favorablement impressionnée par le plan du président Clinton de réduction en 5 ans du déficit budgétaire, pourrait accélérer son expansion, grâce essentiellement à une plus vive progression de sa demande intérieure de consommation et d'investissement. Toutefois, en niveau, le taux d'investissement (et le taux d'épargne) des Américains reste plus faible que dans les autres pays occidentaux. Avec une épargne intérieure des ménages stabilisée à 5 % du PIB, un déficit public pratiquement équivalent, l'investissement américain dépend des profits des entreprises et de l'apport en capitaux étrangers. La croissance américaine s'est accompagnée d'une augmentation de son déficit commercial (66 milliards en 1991, 83 en 1992, 120 en 1993, et une estimation de 130 milliards pour 1994). On comprend dans ces conditions l'insistance avec laquelle ce pays réclame la signature des accords du GATT, qui sont susceptibles de lui ouvrir plus largement des débouchés. On comprend beaucoup moins que le Forum économique mondial classe les États-Unis au second rang, derrière le Japon, des nations les plus compétitives. Certes, ils ont un potentiel technologique inégalé, et les milieux d'affaires font état d'un optimisme croissant quant à l'évolution des chiffres d'affaires. Mais la sous-évaluation persistante du dollar, la quasi-stagnation de la productivité de 1970 à 1990, la dégradation du pouvoir d'achat des salaires les plus bas, la détérioration de la formation scolaire et des grands équipements publics révèlent des faiblesses qui jettent un doute sur la pertinence de ces classements. Si la situation des banques s'est améliorée, la dette publique, alimentée par un déficit fédéral de 5 % en 1993, atteint 53 % du PIB. Dans ces conditions, la poursuite de la reprise américaine paraît encore fragile : d'un côté, la croissance engendre peu d'emplois et, de l'autre, la perspective de libération totale des échanges avec le Canada et le Mexique dans le cadre des accords de l'ALENA (370 millions de consommateurs, 6 500 milliards de dollars) ne permet pas de chiffrer avec certitude le solde net des créations d'emplois espérées. Bref, les États-Unis sont devenus beaucoup plus dépendants des débouchés extérieurs qu'autrefois et leur pugnacité commerciale s'en trouve accrue.