Le Liberia est déchiré par une guerre intestine entre plusieurs factions rebelles, constituées sur des bases ethniques, et un gouvernement intérimaire. Les « casques blancs » de la Force ouest-africaine d'interposition (ECOMOG), 7 000 hommes originaires de la plupart des États de la CEDEAO, n'ont pu empêcher ni les massacres de civils ni le bombardement de Monrovia, dont les 700 000 habitants survivent grâce à l'aide alimentaire de l'ONU. Peut-on encore évoquer « une » Somalie ? Alors que les maquisards du Nord ont créé un « Somaliland » correspondant à l'aire de ce qui fut un protectorat britannique, et demandent une reconnaissance internationale, le Sud, ancienne colonie italienne, est en proie aux exterminations entre clans rivaux et à la famine. L'aide alimentaire est entravée par les pillages et de nombreux observateurs mettent en cause la responsabilité de l'ONU, qui a autorisé tardivement une intervention internationale d'« ingérence humanitaire ». Les risques de dislocation pourraient gagner le Rwanda, à nouveau meurtri par de violents affrontements entre Hutus et Tutsis, et l'Éthiopie, où un accord précaire a été conclu entre les rebelles oromos et les autorités d'Addis-Abeba grâce à l'appui du gouvernement de transition érythréen. On mesure l'importance de la proposition faite par l'OUA de créer un Conseil de sécurité africain pouvant s'appuyer sur une force chargée du maintien de la paix, projet dont l'adoption a été différée tant sont grandes les divergences. Or, la question de la violence dans la « transition sud-africaine » est plus que jamais posée (voir art. Afrique du Sud) et la radicalisation des extrémismes menace aussi le pays d'implosion.

D'après la Croix-Rouge, la moitié seulement des besoins alimentaires de la Somalie est couverte par l'aide internationale, et la quasi-totalité des enfants de moins de cinq ans est menacée de disparition.

Médecins sans frontières a présenté le 23 novembre son rapport recensant les dix pays où les populations sont le plus menacées. Quatre d'entre eux se trouvent en Afrique : le Soudan (à qui revient selon Rony Brauman la « palme de l'horreur »), la Somalie (où il faudrait acheminer plus de 70 000 tonnes de vivres par mois pour enrayer la famine), le Mozambique (où la guerre civile a fait un million de morts) et la région Niger-Mali (pour la question des Touaregs).

Génération sida ?

Les ravages du sida, après avoir surtout concerné les villes, gagnent les campagnes, progressant rapidement selon les principaux axes de circulation et les routes migratoires. L'angoisse collective favorise la multiplication des sectes religieuses et la prolifération de cultes originaux. Les grands ports deviennent des plaques tournantes du trafic de la drogue et la jeunesse urbaine dénonce les formes d'abandon. Lors de sa dernière visite (Sénégal, Guinée, Gambie), le pape a appelé l'Afrique à se prendre en charge en comptant surtout sur les solidarités endogènes. La Conférence des Églises de toute l'Afrique, réunie à Harare, a dénoncé les répressions, plaidé pour les « sans-voix », mais déchirements et violences dominent toujours une actualité seulement éclairée par quelques réussites culturelles.

Au Burundi et au Rwanda, 30 % des citadins seraient séropositifs. Le coût d'un traitement à l'AZT atteint 6 000 dollars/an/habitant, alors que les dépenses publiques de santé varient de 8 à 50 dollars/an/habitant.

Aux Journées de Carthage (2-10 octobre), les cinéastes Idrissa Ouedraogo (Burkina Faso) et Flora Gomès (Guinée-Bissau) ont obtenu les Tanit d'argent et de bronze pour leurs films Samba Traoré et les Yeux bleus de Yonta.

Chrono. : 4/01, 20/01, 23/01, 26/04, 30/04, 8/05, 31/07, 7/10, 23/11, 26/11, 3/12, 9/12, 26/12, 28/12, 29/12.

Abou (Axelle), Et si l'Afrique refusait le développement ?, Paris, L'Harmattan, 1991.
Fottorino (Eric), la Piste blanche, Paris, Balland, 1991.
Médard (Jean-François) [dir.], États d'Afrique noire. Formations, mécanismes et crises, Paris, Karthala, 1991.

Alain Dubresson
Professeur à l'université de Paris-X-Nanterre, directeur de la revue Politique africaine.

Afrique du Sud

1992 restera comme une année de confrontation entre Nelson Mandela et Frederik De Klerk. Les deux hommes n'ont pu s'accorder sur la constitution de leur « nouvelle Afrique du Sud » et se sont installés dans une attitude de défiance, largement accentuée par les violences meurtrières qui ont, plus que jamais, embrasé les banlieues noires.