À l'automne, il fallut bien revenir à la réalité quotidienne et convenir que le miracle économique espagnol, pour réel qu'il soit, reste marqué par des traits structurels archaïques. La croissance se ralentit, dépassant tout juste les 2 %. La tempête monétaire de septembre oblige le gouvernement à dévaluer la peseta et à rétablir le contrôle des changes (une deuxième dévaluation de 6 % a lieu en novembre). Pourtant, au lieu d'imputer ces difficultés à la Bundesbank, comme l'ont fait certains responsables britanniques, le chef du gouvernement, Felipe Gonzalez, déclare que « la turbulence aurait été moindre » si le processus prévu dans les accords de Maastricht avait été d'ores et déjà mis en application.

31 mars 1492

Ce jour-là, Isabelle de Castille et Ferdinand d'Aragon signaient l'édit d'expulsion des Juifs de leurs royaumes. Le texte avait été rédigé par le grand inquisiteur Torquemada. 31 mars 1992 : à la synagogue de Madrid, en présence de Chaïm Herzog, président d'Israël, le roi Juan Carlos souhaitait que « plus jamais la haine et l'intolérance ne provoquent la désolation et l'exil ».

Anniversaire

Le 28 octobre, le parti socialiste espagnol (PSOE) fête ses dix années de pouvoir et dresse son bilan. En matière diplomatique, il est plus que probant, l'isolement de l'Espagne étant définitivement rompu et le pays admis dans la « cour des grands ». En matière sociale, même si le chômage reste très élevé (près de 16 % de la population active), le pouvoir d'achat a régulièrement augmenté et la protection s'est améliorée. Sans doute un peu lassé du pouvoir, Felipe González demeurera cependant à la tête du PSOE pour les élections législatives de 1993. La compétition avec le Parti populaire (conservateur) de José Maria Aznar risque d'être rude.

L'économie espagnole se ralentit : au début de 1992, la croissance avait diminué de moitié en trois ans (de 4,7 % à 2,4 %) et le déficit budgétaire était passé de 2,8 % du PIB à 4,4 %.

Allemagne

En Allemagne, l'année pourrait-elle se résumer à ce commentaire acerbe d'une éditorialiste du Spiegel sur la politique du gouvernement : « À toute vitesse dans le brouillard » ?

Deux ans après la réunification du 3 octobre 1990, le bilan dans l'ex-RDA est lourd. Le chômage y est officiellement comptabilisé à 17 % de la population active (contre 6,5 % dans la partie ouest), mais le chiffre réel est bien supérieur, si l'on tient compte du chômage partiel et des opérations sociales de traitement de l'emploi. À l'ouest, les conséquences de l'absorption des nouveaux Länder sont devenues aussi plus perceptibles : les hausses de salaires se sont amenuisées, alors que la croissance du PIB a reculé de 0,5 % au deuxième trimestre. Au printemps, des grèves sans précédent dans les services publics cristallisaient l'exaspération des salariés de l'Ouest.

Consensus allemand ?

Le 25/08, Björn Engholm, président du SPD, indique que son parti est désormais favorable à une participation de la Bundeswehr aux opérations militaires de l'ONU. M. Engholm obtient également de son parti qu'il accepte le principe d'une modification de l'article 16 de la Constitution allemande relatif à l'accueil des réfugiés étrangers.

Après Maastricht

À la question, posée en octobre, de savoir si le processus d'unification européenne devait être accéléré, les Français sondés ont répondu « oui » à 45 %, contre 39 % pour les Allemands et 15 % pour les Anglais. 64 % des Français interrogés sont également favorables à la monnaie commune, tandis que 59 % des Anglais et 57 % des Allemands y sont hostiles.

Malaise

Le malaise ne se limite pas à la sphère économique : qu'il s'agisse de l'avortement (autorisé à l'Est et proscrit à l'Ouest, où s'imposent encore les interdits religieux), des fichiers de l'ancienne police secrète Stasi ou, surtout, de la question des étrangers, les différences culturelles entre les deux parties du pays s'accusent. Pendant l'automne, les violentes émeutes antiréfugiés (issus principalement des pays de l'Est européen) dans les Länder orientaux ont encore un peu plus séparé « Ossies » (Allemands de l'Est), accusés d'être des xénophobes formés dans le moule autoritaire du marxisme d'hier, et « Wessies » (Allemands de l'Ouest), à qui l'on reproche déjouer les belles âmes à peu de frais. Plusieurs agressions racistes se succèdent d'ailleurs à l'automne en Allemagne occidentale. Pour faire face à la marée humaine (plus de 400 000 personnes en un an) des réfugiés, le gouvernement, avec l'accord embarrassé de l'opposition SPD, veut réformer dans un sens restrictif le très libéral article 16 de la Constitution, qui accorde l'asile à toute personne faisant état de persécution ; il conclut également, avec le président Iliescu, un accord selon lequel les réfugiés roumains (pour la plupart tziganes) seront renvoyés contre paiement à leur pays d'origine d'une somme d'environ 100 millions de francs.