Journal de l'année Édition 1993 1993Éd. 1993

Consommation et distribution

Mutation

À la rentrée d'automne 1992, les enquêtes du CREDOC (Centre de recherches pour l'étude et l'observation des conditions de vie) confirment la tendance nouvelle du consommateur à acheter moins, moins cher et mieux. Les événements internationaux – ébranlant son système de valeurs – ont brutalement accéléré ce mouvement. Archisollicités dans le passé récent, les consommateurs, aussi bien français qu'américains, ont surconsommé. Aujourd'hui, les études révèlent que pour un plus grand nombre d'entre eux, dépenser n'est ni valorisant ni suffisant. Cette tendance est renforcée par le ralentissement de la progression du pouvoir d'achat et une certaine crainte face à l'avenir. D'où la baisse de la consommation en volume, d'autant plus forte que tous les secteurs d'activité ont été atteints, de l'alimentation à l'électroménager, en passant par l'habillement, les grosses cylindrées, les biens de loisirs, etc. Les consommateurs sont amenés à prolonger la durée d'utilisation des biens, à ajourner les achats les plus coûteux et à se tourner davantage vers les bas de gamme (surtout pour la hi-fi), et à ne pas céder aux achats d'impulsion. D'autre part, ils consomment moins de produits à haute valeur ajoutée et préfèrent privilégier les produits basiques au meilleur prix.

Face à cette stagnation, les fabricants sont tentés de réduire leurs marges (surtout dans le domaine des achats vestimentaires), et les distributeurs cherchent à diminuer au minimum prix d'achat, marges et prix de vente et à écouler les marchandises à coups d'opérations de promotion. Une seule exception la vente sur catalogue et par correspondance. Dans ce cas, le consommateur, toujours aussi frileux, prend, avec prudence, le temps de réfléchir. En outre, les consommateurs sollicitent beaucoup moins le crédit à la consommation et, ainsi, s'endettent moins (2,2 % d'accroissement du crédit aux ménages en 1991, contre 7,1 % et 9,2 % les années précédentes).

Grande distribution

Devant le bouleversement des modes de consommation et le ralentissement des ventes, les grands distributeurs réagissent très diversement. Les uns cherchent à renouveler l'offre afin de prendre en compte une consommation plus diversifiée, plus individualisée, allant de la mode aux produits de santé, de culture, de loisirs. À cet effet sont créées de nouvelles enseignes très ciblées (comme Nature et Découvertes ou Europe Discount, filiale de Carrefour) : dans ce cas, en plus des produits alimentaires « discount de base », sont proposés des articles à contenu éducatif et culturel portant notamment sur l'environnement, intégrant ainsi des paramètres nouveaux, écologiques, éthiques, authentiques. D'autres essaient, à travers des acquisitions, d'atteindre la taille critique. Dans le secteur des grands magasins, les Galeries Lafayette contrôlent désormais presque totalement les Nouvelles Galeries à travers le rachat de 20 % environ des actions possédées par le groupe textile Davanlay : il s'agit de tirer parti du potentiel immobilier et commercial de ce dernier. Dans le secteur de la distribution proprement dit, Casino et Rallye annoncent le 9 juin 1992 qu'ils rapprochent leurs activités de distribution alimentaire. Grâce à cette alliance, Casino, bien implanté dans l'est et le sud de la France, peut élargir son champ d'action à l'ouest. Il accomplit ainsi un pas de plus vers le gigantisme, en compagnie de Leclerc, Intermarché, Promodes et Carrefour : son chiffre d'affaires est passé de 18 milliards en 1984 à 43 milliards en 1992.

Enfin, d'autres grandes surfaces de vente, comme Carrefour, sont amenées à changer de stratégie. À la suite d'une politique de rachat de concurrents (comme Euromarché), Carrefour avait repris la première place en France devant Intermarché et Leclerc. Mais, son système d'organisation ayant vieilli, Carrefour va être conduit à tout revoir. La brutale éviction, par les familles actionnaires, du P-DG Michel Bon en est une preuve.

Gilbert Rullière