Changement aussi en France, où Michel Bertrand, 46 ans, est le nouveau président de l'Église réformée, à l'issue d'un synode consacré à l'Europe. Précisément, le protestantisme européen s'est réuni, en mars, à Budapest (Hongrie) pour s'organiser. Les protestants souhaitent défendre le double héritage de la Réforme et des Lumières : sécularisation, pluralisme, etc. Ils veulent contribuer à une « charte sociale européenne », mais sont divisés sur l'ampleur que doit prendre la mise en cause d'anciens responsables d'Églises qui ont cru devoir pactiser avec les régimes communistes.

États-Unis

L'aile radicale du fondamentalisme protestant a pesé sur la rédaction du programme électoral de George Bush. Bill Clinton est, lui aussi, un pratiquant d'une Église fondamentaliste (baptiste du Sud), mais appartient à l'aile modérée de ce courant.

L'orthodoxie

La guerre dans l'ex-Yougoslavie remet brutalement d'actualité la rupture du xie siècle entre l'Église d'Occident et celle d'Orient. C'est elle qui a fixé la frontière entre Serbes et Croates. Des initiatives religieuses ont tenté de favoriser une réconciliation, notamment à l'occasion de l'Assemblée de la Conférence des Églises européennes tenue à Prague en septembre. Mais le contentieux entre orthodoxes et catholiques ne cesse de s'alourdir, et le soutien du Vatican aux Croates et aux Macédoniens s'ajoute aux tentatives pour développer le catholicisme dans l'ex-URSS.

Cet anticatholicisme est aussi un moyen pour l'orthodoxie de maintenir une unité menacée par des crises internes. Le nouveau patriarche de Constantinople, Bartholomée Ier (élu en octobre 1991), a convoqué un sommet extraordinaire à Istanbul en mars dernier. L'Église nationale ukrainienne, dissidente de celle de Kiev et de Moscou, et l'Église russe hors frontière qui tente de se réimplanter en Russie en dehors de l'autorité du patriarche de Moscou ont été condamnées comme « groupes schismatiques ». Reste à connaître les effets de ces condamnations.

Le catholicisme

1992 marque le trentième anniversaire du concile Vatican II. Si les « fruits » de ce concile continuent, on assiste également à un recentrage.

Conséquence du concile, l'Église catholique a montré son souci de transparence en ouvrant ses archives à une commission d'historiens qui a établi que l'ancien collaborateur Paul Touvier a bénéficié d'appuis catholiques pour échapper à la justice (janvier). Le Vatican a continué ses actions en faveur des droits de l'homme (document, en octobre, contre les restrictions du droit d'asile). En France, une initiative œcuménique a été lancée pour « l'accueil de l'étranger ».

Cependant, l'Église catholique veut « défendre l'homme contre lui-même », et cela apparaît, de l'aveu même de Mgr Duval, « comme des intrusions dans le champ de la liberté individuelle ». Ainsi en est-il de la discipline pour les divorcés-remariés, surtout lorsqu'elle s'accompagne de cas d'espèce (décision, en juin, de nullité du premier mariage de Caroline de Monaco) et du refus d'une évolution du célibat ecclésiastique (exhortation apostolique d'avril) malgré la forte diminution du nombre des prêtres.

Une contestation persiste : le théologien de la libération Leonardo Boff a demandé sa « réduction à l'état laïc » et le théologien allemand Eugen Drewermann a été suspendu a divinis après avoir publié des ouvrages qui établissent certaines correspondances entre les « mythes païens » et les « mystères chrétiens ». On lui reproche aussi une utilisation « abusive » de la psychanalyse. À l'autre bord, la fraternité sacerdotale Saint-Pie-X a maintenu son refus d'obéir à Rome comme l'a annoncé, en avril, l'abbé Franz Schmidberger, successeur de Mgr Lefebvre.

Face à ces problèmes, le Vatican veut tenir le cap. En juin, un texte du cardinal Ratzinger réinsiste sur l'importance de la primauté du pape dans le dialogue œcuménique. En octobre, Jean-Paul II inaugure à Saint-Domingue la Conférence générale des évêques latino-américains. La teneur de ses discours montre que la « nouvelle évangélisation », parfois contestée à l'intérieur même du catholicisme, est devenue l'axe majeur du pontificat.

Galilée

Le 31 octobre, devant l'Académie des sciences pontificales, Jean-Paul II déclare qu'« il n'y aura plus jamais un autre cas Galilée ! » Président de la commission ayant travaillé sur le cas Galilée, le cardinal Poupard explique : « Les juges (de l'époque) ont sincèrement pensé que la diffusion des théories coperniciennes pouvait affaiblir la tradition catholique. Cette erreur les a conduits à prendre des mesures disciplinaires à rencontre de Galilée, dont celui-ci eut beaucoup à souffrir. Il nous faut reconnaître loyalement les torts causés. »

Le célibat des prêtres : dans son exhortation apostolique Pastores dabo vobis (avril 1992), le pape réaffirme qu'il ne faut « laisser aucun doute dans l'esprit de tous, sur la ferme volonté de l'Église de maintenir la loi qui exige le célibat librement choisi et perpétuel pour les candidats à l'ordination sacerdotale dans le rite latin ».

Eugen Drewerman, le théologien catholique allemand aux opinions très contestées, qui s'appuie sur l'inconscient et la psychanalyse, publie De la naissance des dieux à la naissance du Christ (Seuil, 1992). Il soutient par exemple que « le diable est le composé de tout ce qui nous appartient et que nous n'osons pas vivre : la somme de nos désirs refoulés et de la vie plus profonde que nous refoulons. [...] Pour ma part, je voudrais que les hommes n'éprouvent qu'une seule forme de culpabilité : le sentiment d'être coupables du refus de leur propre vie ».

Le Nouveau Catéchisme de l'Église catholique est le fruit du travail de 3 000 évêques qui, après six ans de travail, et huit versions successives, condensent la foi catholique en 676 pages (soit 2 875 paragraphes), pour le prix de 139 francs. Sont successivement abordées : la profession de foi, la célébration du mystère chrétien, la vie dans le Christ et la prière chrétienne. Selon le cardinal Josef Ratzinger, « dans l'actuelle situation de vide, surgit le terrible danger du nihilisme, c'est-à-dire de la négation ou de l'absence de toute référence morale fondamentale pour la conduite de la vie sociale ». Ce texte a pour mission de combler ce vide. L'ouvrage rencontre un très gros succès commercial (480 000 exemplaires vendus en novembre 1992).

Femmes-prêtres

L'Église d'Angleterre, réunie en synode, a approuvé en novembre le principe de l'ordination sacerdotale des femmes. Les trois collèges ont approuvé cette réforme : les évêques avec 75 % de oui, le clergé avec 70 %, et les laïcs avec 67 %. L'archevêque de Cantorbury et chef spirituel de la communauté anglicane, Mgr George Carey, a déclaré : « Nous sommes en danger de ne pas être entendus si les femmes exercent leur autorité dans chaque domaine de la vie sociale à l'exclusion de la prêtrise. »

Chrono. : 19/02, 15/03, 26/03, 12/04, 7/05, 17/05, 4/06, 12/07, 9/10, 3/11, 11/11, 12/11.

Jean Baubérot
Président de la section des sciences religieuses à l'École pratique des Hautes Études