Journal de l'année Édition 1993 1993Éd. 1993

Un enjeu : avec la médiatisation de ce nouvel acteur, les belligérants utilisent l'humanitaire comme un instrument de pression, de chantage, voire un moyen de pousser la communauté internationale à intervenir.

Un critère : ce sont les organisations humanitaires, relayées par la presse, qui conduisent les Nations unies à reconnaître le droit à l'ingérence humanitaire en Somalie. Le Kurdistan avait ouvert la voie, mais, pour la première fois, les Nations unies décident d'intervenir militairement dans un pays, pour y rétablir l'ordre et permettre l'acheminement de l'aide humanitaire. Cependant, comme au Koweït en 1990, cette initiative internationale ressemble davantage à une initiative américaine.

Pax americana

En effet, en l'absence de l'Europe, le nouvel ordre mondial annoncé par G. Bush à l'issue de la guerre du Golfe s'est apparenté, en 1992, à un ordre américain.

La pax americana règne au Proche-Orient, où Washington retire les dividendes politico-militaires de la guerre du Golfe. La conférence de paix sur le Moyen-Orient, qui s'est ouverte à Madrid en novembre 1991, poursuit ses travaux tout au long de 1992. Des négociations bilatérales permettent notamment aux Américains d'asseoir à la même table Israël et les Palestiniens non-membres de l'OLP. Malgré la victoire des travaillistes en Israël en juin et l'annonce du gel partiel des implantations israéliennes dans les territoires occupés en juillet, la négociation n'a pas encore abouti à des résultats très concrets. Cependant, même si ses travaux devaient être interrompus, cette conférence marque une victoire diplomatique américaine autant qu'elle souligne l'absence des Européens autour de la table.

Les résultats de la Conférence des Nations unies sur l'environnement et le développement (CNUED), réunie à Rio en juin, seront aussi largement empreints de la diplomatie américaine. Les efforts japonais et européens n'auront pas suffi à engager les 182 pays représentés dans des résolutions contraignantes. Enfin et surtout, la faiblesse des textes de la Convention sur le climat, de celle sur la biodiversité ou de la Déclaration de Rio montrent à l'évidence que pour George Bush le mode de vie américain n'est pas négociable, surtout en période électorale.

De la même manière, le compromis de Washington, conclu après six ans de négociation de l'Uruguay Round au sein du GATT, s'est révélé non négociable. Certes, cet accord a mis fin à la guerre des subventions agricoles entre les deux rives de l'Atlantique nord. Mais il a aussi rappelé que les États-Unis restent au centre du système des échanges commerciaux mondiaux. En outre, après la signature de l'accord de libre-échange nord-américain (ALENA), les États-Unis constituent avec le Canada et le Mexique le premier bloc commercial mondial, et menacent ainsi de détrôner la Communauté européenne.

Dynamisme asiatique

Mais, alors que les deux blocs commerciaux s'enlisent dans une crise économique majeure, les taux de croissance les plus élevés sont enregistrés dans le Guangdong, au sud de la Chine. Et trois ans après l'isolement qu'avait provoqué les événements de la place Tien An Men, l'activité diplomatique chinoise s'intensifie en 1992 : rétablissement des relations diplomatiques entre la Chine et la Corée du Sud en août, première visite de l'empereur du Japon à Pékin en octobre, puis celle de Eltsine en décembre, déplacement de Li Peng au Viêt Nam en novembre. Une veille géopolitique réaliste, pour 1993, devrait conduire à se concentrer sur l'ASEAN, le Japon, et la Chine.

Le Dessous des Cartes
Laboratoire d'études politiques et d'analyses cartographiques (LEPAC), Paris.

La Communauté européenne à l'épreuve

Même si nombre de responsables européens se plaisent à répéter que la construction communautaire n'avance, depuis ses origines, que moyennant des crises, l'une après l'autre surmontées, celles qu'a connues l'Europe au second semestre 1992 ont été particulièrement sévères. La finalité même de l'entreprise communautaire a paru, aux pires moments, être remise en cause par certains gouvernements, ainsi que par des opinions publiques qui, jusque-là, ne s'étaient guère exprimées sur le sujet. Cette contestation, favorisée par un contexte économique particulièrement morose, est apparue comme un véritable reflux, un désaveu de ce que les dirigeants européens avaient mis en chantier à la fin de l'année précédente, à Maastricht.

Euphorie

Après l'accord sur le traité de Maastricht, conclu le 11 décembre 1991, les douze gouvernements ont, en effet, vécu pendant six mois avec le sentiment d'avoir fait œuvre utile. Grâce à ce texte, la Communauté était supposée franchir une étape décisive sur la voie de l'intégration qui la transforme en une « Union européenne » (monnaie unique, banque centrale, politiques étrangère, judiciaire, de défense progressivement communes). Globalement, ce renforcement interne de la Communauté était une réponse aux bouleversements qui affectaient depuis deux ans les pays de l'Est. Il devait permettre à l'Europe des Douze de mieux ancrer en son sein l'Allemagne réunifiée, de mieux s'affirmer sur l'ensemble du continent comme structure interétatique et pôle stabilisateur, et de se préparer à accueillir en son sein de nouveaux membres. Une fois conclu l'accord, qui devait, en principe, entrer en vigueur le 1er janvier 1993, nul n'imaginait qu'il pût être mis en cause. Les six premiers mois de 1992 se passèrent surtout à discuter du futur budget de la Communauté, c'est-à-dire de l'augmentation de ses moyens financiers pour lui permettre de répondre à ses ambitions nouvelles.

Recul

Le 2 juin, cependant, le référendum au Danemark, première des douze procédures de ratification, se soldait par un « non » qui allait très durablement ébranler l'Europe. L'impulsion donnée six mois plus tôt à Maastricht était brisée.