Déjà, dans le passé, la FED avait été accusée de ne pas avoir injecté suffisamment de liquidités dans le circuit économique lorsque celui-ci avait commencé à se gripper, dès les premiers mois de 1990, avant le déclenchement officiel du cycle de récession. Cette fois, le même grief lui est adressé, dans la crainte de voir l'amorce de la reprise économique capoter faute de carburant, d'autant que l'investisseur étranger (notamment japonais, très gourmand en bons du Trésor américain), indispensable véhicule pour absorber la dette publique des États-Unis, risque de se tourner vers d'autres pays si les taux d'intérêt américains tombent trop bas.

Sur les bases actuelles, avec un taux d'inflation de 3,8 % et un taux de croissance escompté de 2,5 % en 1992, il faudrait une augmentation de 6,3 % de la masse monétaire pour soutenir cette croissance ; or, elle n'atteint pas la moitié de ce pourcentage, ce qui fait dire à certains commentateurs qu'en cette fin d'année, les liquidités dont dispose l'économie américaine ne suffisent même pas à soutenir une croissance zéro.

Pourtant, certains conjoncturistes considèrent que la persistance d'un taux de croissance du PNB de 2,5 % à 3 % au cours des quatre prochains trimestres, une fois la reprise confirmée, sera suffisante même en l'absence d'une progression importante des agrégats monétaires.

Mégacrise, mégafusions

Encore numéro un mondial en 1982, la Citicorp, première banque américaine avec 217 milliards de dollars d'actifs, se situe actuellement au 27e rang, loin derrière les établissements japonais et européens. 150 à 200 faillites bancaires sont attendues en 1991 aux États-Unis, qui s'ajouteront au millier enregistré depuis six ans, dans un secteur surcapacitaire de 12 500 banques commerciales. La lente dégradation de celui-ci tient à la dépréciation des actifs, notamment immobiliers, et aux conséquences de la crise économique. La réglementation héritée de la Grande Dépression constitue un handicap supplémentaire. Après la faillite des caisses d'épargne révélée en 1990, c'est un autre pan du système financier américain qui est menacé.

Le projet de réforme bancaire présenté le 5 février par le Trésor vise à abolir les barrières qui limitent les champs d'action territorial et sectoriel des banques, à renforcer les exigences de solidité du capital, à concentrer les pouvoirs de tutelle et à rendre plus rigoureux le système de garantie des dépôts bancaires, aujourd'hui ruiné par sa « générosité ».

Le 15 juillet, la Chemical Bank et Manufacturers Hanover fusionnent (135 milliards de dollars d'actifs). Le 22 juillet, c'est au tour de NCNB et de C&S/Sovran (118 milliards de dollars). Le 12 août, enfin, BankAmerica rachète Security Pacific (193 milliards de dollars). Le gigantisme serait le meilleur moyen de réduire les coûts de gestion des banques américaines et de consolider leurs actifs afin d'améliorer leur rentabilité aujourd'hui ridicule – 16 milliards de dollars de profits en 1990 pour 3 400 milliards d'actifs. Le pari est à la hauteur de l'enjeu.

Ch. P.

Dette privée et dette publique

À côté de ces problèmes conjoncturels persistent des faiblesses structurelles qui contribuent à freiner la reprise. Il s'agit, bien sûr, de la faible capacité d'épargne des Américains, déjà évoquée, mais surtout de la dette énorme qui pèse sur l'État, les entreprises, les ménages et les collectivités locales, et qui a été accumulée avec une grande insouciance pendant les années d'euphorie financière (années 80). À titre d'exemple, le poids de la dette des ménages par rapport à leur revenu disponible dépasse les 80 à 90 % en moyenne (dont les deux tiers pour les prêts immobiliers et le reste pour les cartes de crédit et les achats à tempérament). De leur côté, les entreprises doivent consacrer plus de 55 % de leurs bénéfices avant impôts à rembourser leurs prêts bancaires, au lieu de les investir dans la recherche et le développement. Quant aux grandes municipalités, plus de 60 % d'entre elles sont en déficit.

Les États eux-mêmes ne sont pas mieux lotis, puisqu'une trentaine d'entre eux sont également dans le « rouge » avec des chiffres parfois impressionnants (plus de 12 milliards de dollars de déficit pour la Californie et 6 milliards pour l'État de New York). Enfin, l'État fédéral est naturellement le plus à blâmer, puisqu'en dix ans sa dette est passée de 900 milliards à 3 400 milliards (fin 1990), les estimations les plus prudentes avançant déjà le chiffre de 4 500 à 5 000 milliards à l'horizon 1995.