La défaillance du marché provient du fait que les ressources dites « naturelles » présentent une caractéristique qui leur est propre : elles sont disponibles en quantités apparemment illimitées, de sorte qu'elles peuvent être utilisées « gratuitement ». On peut alors avancer que c'est l'absence d'obligation de paiement qui autorise et entraîne le gaspillage, la détérioration ou même la destruction définitive de ces ressources. La gratuité joue sans aucun doute possible contre l'environnement : le pollueur détériore la ressource parce qu'il n'a pas besoin d'intégrer son coût dans son prix de revient.

Dans ces conditions, il faudrait lui faire supporter effectivement toutes les charges directes et indirectes induites à la fois par l'utilisation de la ressource et par les choix de production et de consommation. Dans la réalité, cette procédure – qui est connue sous le nom d'internalisation des coûts (externes) et qui est appliquée en France depuis 1964 en matière de gestion de l'eau – se heurte à des difficultés d'évaluation des dommages ou encore à la résistance des producteurs. Ceux-ci font valoir que le versement des redevances (ou des taxes) d'utilisation réduit la marge et donc la compétitivité des entreprises. Ils réussissent alors à obtenir un tel plafonnement de ces charges qu'ils ne sont plus incités à réduire réellement leur pollution.

Par rapport à la procédure précédente, le recours à l'instrument réglementaire représente à première vue pour les pouvoirs publics la solution de facilité. Deux voies peuvent être empruntées : l'une consiste à édicter des interdictions ou à fixer des normes techniques ; l'autre fait appel à l'incitation : des allégements fiscaux ou des subventions peuvent ainsi amener les entreprises à investir dans les technologies « propres ». Toutefois, cette action réglementaire ne se révèle pas toujours efficace en raison de sa complexité et surtout de son inadaptation à une évolution technologique très rapide.

En définitive, lorsque l'on cherche à dresser un premier bilan des efforts consentis pour éviter la dégradation de l'environnement ou pour le protéger, il faut bien convenir que ni l'internalisation des coûts d'utilisation et de détérioration des ressources, ni l'action réglementaire n'ont incité les producteurs ou les consommateurs à intégrer dans leurs choix (ou dans leurs calculs) le prix des ressources. En outre, il ne semble pas que leur gaspillage ait été freiné, alors même que l'on commençait à prendre conscience du fait qu'elles pourraient se raréfier si leur dégradation n'était pas arrêtée. En d'autres termes, c'est un véritable constat de carence qui est établi.

De ce fait, certains estiment que le problème de l'environnement et de sa dégradation doit être abordé d'une manière différente : il doit être traité en profondeur, c'est-à-dire qu'il convient de réexaminer les relations économie-écologie en n'oubliant pas que la dégradation de l'environnement peut bloquer la croissance de l'économie au plan global. En conséquence, il n'est plus possible d'ignorer la nécessité actuelle de concilier durablement deux préoccupations qui semblent encore contradictoires : la poursuite de la croissance économique et la protection de l'environnement. Se trouve alors posé le problème de ce que l'on nomme maintenant le développement soutenable.

Un nouveau concept

Il a fallu attendre les années 1960 pour que, dans les pays occidentaux, l'on prenne conscience du fait – pourtant déjà relevé au xviiie siècle par les physiocrates et rappelé par leurs successeurs, Malthus et Ricardo – que les activités humaines ne pouvaient se développer indéfiniment. En même temps, on découvrit que l'environnement pouvait se dégrader sous les coups de la pollution agricole ou industrielle. En 1971 et en 1974, les travaux du Club de Rome reflétèrent ces inquiétudes pesant sur le devenir de l'environnement et sur l'épuisement des ressources naturelles.

En 1972, lors de la Conférence de Stockholm, éclata pour la première fois le conflit opposant les pays du Nord à ceux du Sud. Alors que les premiers préconisaient des mesures globales (c'est-à-dire applicables à l'échelle de la planète) de protection de l'environnement, les seconds, menés par le Brésil, étaient avant tout soucieux de développement et accusaient le Nord d'inventer des freins à leur croissance. Cette conférence a eu toutefois le mérite de dégager – bien que de façon assez sommaire – la problématique de l'environnement : il ne s'agit pas simplement d'accidents ou de dysfonctionnements des systèmes de production, mais de l'interdépendance complexe qui existe entre la dynamique du développement et les risques planétaires d'atteintes à l'environnement.