Alors que l'Europe faisait preuve de dynamisme, les experts se sont demandé si les États-Unis n'allaient pas s'enfoncer dans la récession tant étaient nombreux les signes de ralentissement et aigus les problèmes financiers (déficit budgétaire, sauvetage des caisses d'épargne, crise des banques et endettement généralisé). Le besoin de financement extérieur est resté considérable alors qu'une certaine désaffection des investisseurs étrangers s'est produite en raison de la faible rémunération des placements effectués à New York, qui a obligé les États-Unis à maintenir des taux d'intérêt élevés alors qu'il eût été souhaitable de les baisser pour relancer l'activité. Il était cependant assez clair que le ralentissement était rendu nécessaire par la persistance des déséquilibres. Aussi le président Bush a-t-il dû finalement se résoudre à signer le plan de réduction du déficit budgétaire voté par le Congrès et prévoir une augmentation des impôts.

L'après-2 août

C'est au moment où l'on s'interrogeait sur le risque de récession américaine que l'Irak envahissait le Koweït (2 août) et provoquait ainsi la hausse du prix du pétrole : le baril dépassait les 40 dollars pour se stabiliser ensuite autour de 30 dollars avant de finir l'année à 26 dollars, alors qu'il valait environ 18 dollars seulement au premier semestre. Ces prix n'avaient bien sûr rien à voir ni avec le prix théorique de référence de 21 dollars le baril arrêté par l'OPEP le 27 juillet à Genève, ni avec le prix de marché, la pénurie n'étant pas à craindre : les pertes provoquées par l'embargo sur le pétrole irakien et koweïtien étaient compensées par la hausse de la production des autres pays et par l'utilisation des stocks. La perspective d'un troisième choc pétrolier, avec ses conséquences récessionnistes et inflationnistes, assombrissait alors aussitôt le climat international. Les premières victimes étaient les pays de l'Est et les nations sous-développées qui ne produisaient pas de pétrole, auxquels les organisations internationales ont alors proposé une aide financière accrue.

L'impact sur les pays développés a été moindre, car leur situation était beaucoup plus saine que lors des deux précédents chocs pétroliers, mais il a amplifié le ralentissement déjà constaté et suscité un certain pessimisme dans les milieux d'affaires.

L'alourdissement des coûts de production des entreprises, alors que les résultats étaient en baisse, a mis en évidence la tendance à la dégradation de la rentabilité des sociétés. Dans ces conditions, elles ont été amenées à reporter certains projets d'investissement et à mettre en place des plans de restructuration (électronique). Pourtant, les investissements et les mutations technologiques ont continué d'être considérés comme essentiels.

La nouvelle révolution des transports en a été un exemple et les gouvernements ont poursuivi leur politique d'encouragement à leur égard ; mais, plus encore, les incertitudes qu'ont fait naître la crise du Golfe et l'éventuel troisième choc pétrolier − sans oublier le spectre de la récession américaine − ont entraîné l'instabilité des marchés financiers. Un nouveau krach boursier a éclaté ; sans céder à la panique, les places financières ont atteint les unes après les autres leur plus bas niveau de l'année avec une baisse de l'ordre de 20 % étalée sur six semaines. La reprise qui a suivi a été chaotique comme les nouvelles du Golfe (espoirs d'un règlement négocié ou crainte d'une issue violente à la crise) mais n'a pas permis de combler les pertes. Alors que l'ensemble des places faisaient déjà preuve de manque de dynamisme, cette nouvelle chute des marchés financiers − après la dégringolade de la Bourse de Tokyo en début d'année, où l'on avait enregistré 25 % de pertes entre janvier et avril − a prouvé que la spéculation boursière, mais aussi immobilière et foncière, commençait à montrer des signes d'essoufflement, visibles dans le dégonflement de la « bulle financière » (éd. 1989), et que la période de l'« argent facile », c'est-à-dire la décennie 1980, semblait avoir pris fin.

La résurgence du protectionnisme

En effet, même si les scandales ont continué d'éclater, une tendance à la moralisation s'est dessinée avec la répression renforcée des délits d'initié et un contrôle de plus en plus strict des circuits de recyclage de l'argent de la drogue. Mais les marchés des changes ont été également perturbés. Après une relative stabilité au premier semestre, le dollar (qui cotait alors environ 1,70 DM, 5,75 FF et 150 Y) s'est déprécié à partir du mois de juillet et surtout du 2 août par rapport aux principales monnaies européennes et, dans une moindre mesure, au yen. Au moment où la devise japonaise était elle-même la victime d'un accès de faiblesse, le billet vert tombait jusqu'à 1,462 DM (son plus bas niveau historique), 4,96 FF et 123,65 Y pour terminer l'année à 1,50 DM, 5,129 FF et 135,40 Y. Mais la baisse de la monnaie américaine, qui a finalement profité à tout le monde (soutien des exportations aux États-Unis, lutte contre l'inflation en Allemagne et au Japon et allégement de la facture pétrolière pour tous les pays), s'est produite dans l'indifférence générale. La France a été la seule à réclamer, sans l'obtenir, une réunion du groupe des Sept (pays les plus industrialisés) pour enrayer cette baisse.