Au Liban, après dix-huit mois de résistance, Michel Aoun capitule devant l'offensive des forces légales du président Elias Hraoui soutenues par l'armée syrienne (13 octobre). Cette reddition permet à la Syrie d'étendre son emprise sur la quasi-totalité du pays.

Au Maroc, des troubles éclatent à Fès le 14 décembre au cours d'une grève générale organisée par les syndicats et se soldent par plusieurs morts. La France est accusée d'avoir encouragé les contestataires.

À la fin de l'année, c'est le Moyen-Orient tout entier qui menace de s'embraser, entraînant à sa suite une partie du monde. Peut-on cependant oublier les deux tragédies du début de l'été : les 35 000 Iraniens victimes d'un violent séisme (21 juin) et la mort de 1 426 pèlerins piétines dans un tunnel au cours du pèlerinage de La Mecque (2 juillet) ?

Marie-Odile Schaller

Chine

Tout au long de cette année, la Chine n'aura cessé de payer le coût de la répression du mouvement de la place Tiananmen de juin 1989.

Certes l'opinion, surtout étrangère, oublie vite, y compris les massacres télévisés ; la loi martiale a été levée à Pékin le 10 janvier, et le 1er mai dans la capitale du Tibet, Lhassa, et les sanctions internationales graduellement abandonnées jusqu'à ce que la CEE les suspende officiellement le 22 octobre. L'Occident ne pouvait plus se payer le luxe de bouder deux croquemitaines à la fois − l'Irak et la Chine −, surtout après que cette dernière eut rallié, quoique très prudemment, le camp anti-Saddam Hussein. Mais les stigmates des massacres et la rivalité pour le pouvoir qui les a accompagnés continuent de marquer l'équipe aux affaires à Pékin, ce mélange de technocrates et de vétérans révolutionnaires octogénaires comme Deng Xiaoping, les premiers ayant déjà entamé la lutte pour la succession des seconds.

Conserver et maintenir

Malgré les déclarations optimistes et les appels du pied à un Occident qui, après avoir été fustigé pour ses « ingérences dans les affaires intérieures chinoises », était à nouveau appelé à contribuer financièrement au développement du pays, la principale caractéristique de la situation en Chine est demeurée l'instabilité. Après une décennie de paix intérieure sans précédent depuis des générations, crise politique et difficultés économiques ont rappelé que la stabilité demeurait toujours fragile dans l'ex-Empire du Milieu.

Sur le plan économique, le retour des investisseurs étrangers et des commerçants ne saurait dissimuler que la Chine n'est plus le « marché du siècle » qu'elle était au milieu des années 80, mais seulement un pays du tiers-monde, important certes, mais toujours pauvre et toujours en retard. En outre, elle a perdu le capital d'indulgence dont elle jouissait au profit des pays communistes d'Europe de l'Est qui ont abandonné leur ancien système politique, et même de l'URSS gorbatchévienne.

En politique intérieure, la reprise en main politique et le regain d'influence des vieux conservateurs se sont accompagnés de campagnes idéologiques et d'une vague de répression. Officiellement dirigée contre les « criminels » et les « six vices », elle a été marquée par l'annonce de centaines d'exécutions capitales à travers le pays ; un chiffre certainement inférieur à la réalité.

La rapidité de l'évolution de l'Europe de l'Est a profondément inquiété les dirigeants chinois, et en particulier la chute de leur allié de longue date, le dictateur roumain Ceausescu. Par ses gestes, Pékin voulait convaincre l'Occident, et en premier lieu le Congrès américain, que le temps était venu de normaliser les relations avec une Chine redevenue présentable.

Bien qu'il n'ait en rien changé la réalité politique à l'intérieur du pays, le résultat de ces concessions ponctuelles a, sur le plan formel, été positif. Mais la Chine a cessé d'être un partenaire privilégié, sauf, peut-être, pour le Japon voisin. Et encore, ce dernier, s'il a repris ses contrats et ses prêts à la Chine, rechigne toujours à y investir. La locomotive nipponne est cependant plus que jamais indispensable pour redonner de la vitesse à l'économie chinoise. Après des années de croissance peut-être trop rapide, celle-ci sort d'une sévère cure de récession accompagnée d'un resserrement des contrôles étatiques. L'économie − surtout dans un pays de plus d'un milliard d'âmes − ne se pilote pas à vue ; les multiples soubresauts que lui impriment à nouveau les impératifs idéologiques demeurent inquiétants. Mais, pour les dirigeants chinois, la principale préoccupation demeure de se bien placer pour conserver leurs chances intactes le jour où Deng Xiaoping ira « retrouver Marx ». En espérant que, d'ici là, un mélange de répression et de concessions économiques lui permettra de maintenir leur contrôle sur une population désabusée et dépolitisée.