Outre la poursuite des hostilités au sud du Soudan et l'offensive lancée contre le Tchad, alors qu'une tentative de coup d'État a été déjouée le 23 avril à Khartoum, et un regain de tension aux frontières de la Somalie, de nouveaux fronts chauds sont apparus. Au Niger, des représailles sanglantes ont suivi l'attaque de Tchintabaraden par des groupes touaregs (7 mai), tandis qu'au Mali l'armée s'est lancée dans une vaste opération de ratissage contre des commandos touaregs, suspectés d'être manipulés par la Libye pour déstabiliser les États sahéliens. Au Sénégal, des militaires quadrillent la Basse-Casamance, où le mouvement séparatiste progresse mais est vigoureusement combattu.

C'est au Liberia et au Tchad que les affrontements ont eu la principale incidence politique. Née à l'est du Liberia, dans le comté du Nimba, la rébellion armée conduite par Charles Taylor a commencé le 26 décembre 1989. Elle a rapidement pris l'allure d'une guerre civile contre les Krahn, ethnie du président. Ponctuée de massacres mutuels, la progression des rebelles, qui se sont divisés en deux camps rivaux, a abouti à la prise de Monrovia et à l'assassinat du président libérien, le 9 septembre, alors qu'une force étrangère composée de « casques bleus » africains tentait vainement de s'interposer. Fin octobre, des négociations étaient en cours pour conclure un cessez-le-feu.

Au Tchad, Idriss Déby, ancien compagnon d'armes d'Hissène Habré, en dissidence depuis plus d'un an, a chassé ce dernier du pouvoir à l'issue d'une offensive militaire lancée en mars et achevée le 2 décembre.

Enfin, des milliers de Ruandais réfugiés en Ouganda ont envahi début octobre le nord du territoire ruandais, en exigeant de profondes réformes politiques. Une solution négociée à l'échelle régionale entre le Ruanda, l'Ouganda, le Zaïre, le Burundi et le Kenya était à l'étude mi-octobre. Le cumul des conflits, anciens ou nouveaux, donne à l'Afrique un triste record : sur 15 millions de réfugiés dans le monde, 4,6 millions, soit environ le tiers, sont africains !

Tchad : rebelle contre rebelle

Au Tchad, ce n'est pas la première fois, depuis l'éviction de François Tombalbaye en 1975, qu'un rebelle renverse un autre rebelle, autrefois son allié. Il le fait souvent avec l'aide ou tout au moins sous l'œil bienveillant de l'ancien colonisateur français. M. Idriss Déby, qui a mis vingt mois à préparer son action et trois semaines à la mettre à exécution, aura été l'un des plus rapides. Le 1er décembre, ses troupes font leur entrée à N'Djamena, le président Hissène Habré prend la fuite.

Un combattant talentueux

Après l'échec de sa tentative de complot en avril 1989, l'ancien compagnon d'armes de M. Hissène Habré s'était réfugié à Tripoli, puis au Soudan, dans la région du Darfour. Il avait aussitôt pris, dans les plans de conquête du colonel Mouammar Kadhafi, la place jusqu'alors occupée par M. Goukouni Oueddeï, « tombeur », en février 1979, aux côtés de M. Habré, du président Félix Malloum, successeur de Tombalbaye, et qui avait été renversé par ce même Habré en juin 1982 avant de se rallier à la Libye. Le président libyen a donc reporté sa mise sur M. Déby, ancien chef des Forces armées nationales tchadiennes (FANT), formé à l'École de guerre, à Paris, qui avait combattu avec tant de talent les forces libyennes.

C'est avec des armes libyennes que par deux fois, en octobre 1989 et en mars 1990, M. Déby avait lancé de vaines offensives contre les troupes gouvernementales tchadiennes.

La troisième tentative est la bonne. Au cours de trois batailles décisives dans l'est du pays, les 10, 15 et 25 novembre, ses rezzous, qui se déplacent à vive allure à bord de leurs Toyota et de leurs blindés légers, déciment les forces régulières, dont de nombreux soldats désertent. Le 29, la ville d'Abéché tombe. La route de N'Djamena est ouverte.

Le même jour, la France renforce son dispositif Épervier avec pour seul but d'améliorer la sécurité de ses troupes et de protéger ses ressortissants. « Notre armée intervient pour défendre l'intégrité des États, pas pour soutenir des gouvernements », commente le ministre de la Défense, Jean-Pierre Chevènement. « Nous n'avons pas aidé Idriss Déby, nous l'avons laissé faire », confirmera le ministre de la Coopération, Jacques Pelletier. En 1982, la France, inquiète des fréquentations libyennes du président Oueddeï, qu'elle avait contribué à mettre en place, avait aidé son ancien allié Hissène Habré à prendre le pouvoir ; mais l'autocratie du président Habré et sa tiédeur envers la France, ajoutées au sombre souvenir de l'assassinat sous ses ordres du commandant français Pierre Galopin en avril 1975, lui avaient peu à peu fait perdre le crédit dont il disposait à Paris.