Journal de l'année Édition 1991 1991Éd. 1991

Une année de haut vol !

Avec l'année 1990, c'est bien une troisième ère qui s'est ouverte pour le sport contemporain. Après celle de la splendeur anglo-saxonne, puis celle de l'affrontement Est-Ouest, qui tourna le plus souvent à l'avantage des pays du bloc communiste, aujourd'hui en pleine décomposition, nous voici donc à l'ère de l'argent-roi, du chacun-pour-soi. Il n'y a pas que des raisons de s'en réjouir, loin de là. Et le choix par le CIO, réputé conservateur, de la ville d'Atlanta pour l'organisation des jeux Olympiques de 1996, au détriment d'Athènes, en est l'illustration parfaite. Retenir la capitale du vieux Sud américain, n'est-ce pas préférer le dollar à la drachme, la finance au spectacle, le progrès à la tradition ou le rock au sirtaki ? Nombreux sont ceux, en tout cas, qui ont interprété l'échec grec comme le résultat d'une pression intense de la part des prestigieuses firmes installées à Atlanta, comme Coca-Cola ou CNN, le réseau d'informations télévisées par câble du milliardaire Ted Turner. Désormais, l'organisation des jeux Olympiques d'été est devenue un privilège réservé aux grandes puissances industrielles. Rentabilité économique oblige. Un signe des temps.

En attendant, s'il fallait garder une seule image de cette saison, la sélection serait délicate, réductrice, voire arbitraire, tant l'actualité fut féconde en exploits, en drames et riche en champions : de la fantastique victoire de Florence Arthaud dans la Route du rhum à celle de la jeune Yougoslave Monica Seles à Roland-Garros, en passant par le triomphe du relais 4 × 100 m français lors des championnats d'Europe d'athlétisme, sans oublier la danse de Roger Milla et les larmes de Diego Maradona au Mondiale italien, ainsi que la belle aventure vécue par le navigateur en solitaire Titouan Lamazou. Bref, une année fertile en émotions, au moment précis où le monde du sport est en proie aux affaires et aux scandales qui alimentent chaque jour le menu des médias jamais assez rassasiés.

Pour la première fois cette année, le montant de l'enveloppe consacrée au secrétariat d'État à la Jeunesse et aux Sports est descendu sous la barre des 0,20 % du budget général de l'État, exactement 0,198 %, sans compter les crédits extrabudgétaires devenus de plus en plus aléatoires à la suite du recul du Loto sportif, lequel n'a pas répondu aux espoirs placés en lui, en raison de la prolifération des jeux de France Loto. « C'est le budget de la honte », n'a pas craint d'affirmer Nelson Paillou, président du CNOSF. On ne peut pas lui donner tort, car, si les pouvoirs publics ne se préoccupent pas davantage du sport de masse, la santé de la nation en souffre, avec les conséquences sociales que cela implique.

À ces difficultés se sont ajoutés les effets du vote de la loi Évin, qui a pour objet d'interdire, à partir du 1er janvier 1993, « toute propagande ou publicité directe ou indirecte » en faveur du tabac et de l'alcool. Principales disciplines touchées : les sports mécaniques et, à un degré moindre, le golf et l'équitation. Perte sèche pour le sport français : au moins 300 millions de francs. Ce texte sans doute animé par une bonne intention – protéger la santé de nos concitoyens –, met une nouvelle fois en avant la conception paternaliste que les gouvernants ont de l'intérêt de leurs administrés. Il cassera éventuellement le sport mécanique en France mais, à l'ère des images satellites, il n'empêchera pas la promotion de l'alcool et du tabac dans une société ouverte, médiatisée et sans frontières.

Dans le même temps, on apprenait l'inculpation, pour « faux, usage en écriture privée, complicité et recel », de Jean-Claude Darmon, le responsable, entre autres affaires, des finances de l'équipe de France de football et partie prenante dans celles de douze formations de première division. Elle était suivie de celle du président des Girondins de Bordeaux, Claude Bez, soupçonné des mêmes malversations à la tête d'un club, dont le déficit cumulé avoisine 300 millions de francs. La fin d'un règne de douze ans marqué par trois titres de champion et par deux victoires en Coupe de France. Sale automne pour le football professionnel, englué dans ses structures inadaptées et qui s'installe durablement à la rubrique des faits divers par la faute de dirigeants dont la folie des grandeurs et le goût du pouvoir passent avant l'intérêt collectif. Fausses factures, sociétés-écrans, caisses noires et pots-de-vin, le milieu du ballon rond ne manque pas d'aigrefins.