Technique plus complexe, la vision assistée par ordinateur, ou visionique, utilise des caméras vidéo et des processeurs de reconnaissance de formes diverses ou d'objets. Plus de 6 000 installations de visionique sont en service dans l'industrie mondiale, essentiellement pour des opérations de contrôle de qualité, tandis que se développe le guidage des robots. Il a ainsi fallu cinq ans d'expérimentation pour que Magali 2, le robot agricole cueilleur de pommes du Cemagref, soit opérationnel : muni d'un nouveau processeur de vision couleur de la société Sagem – pour bien distinguer les pommes des feuillages –, cet étonnant engin à deux bras a effectué à l'automne, dans un verger nantais, ses premières récoltes, avec un taux de reconnaissance acceptable (80 % des fruits) et à la vitesse moyenne d'une pomme toutes les quatre secondes.

La reconnaissance vocale, technique beaucoup plus complexe que la synthèse de la parole, équipe de nombreux jeux électroniques et micro-ordinateurs. Les premières applications de ces « oreilles » électroniques concernent la « téléphonie mains libres », la saisie des stocks avec des terminaux portables, l'aide aux handicapés, les serrures vocales... et l'ordinateur sans clavier qui obéit à la voix.

La firme américaine Dragon Systems commercialise ainsi un ordinateur qui reconnaît 30 000 mots anglais prononcés isolément avec un taux d'erreur de 5 % : tout comme sur le microordinateur Gridpad, les mots sont préalablement affichés à l'écran pour correction éventuelle. IBM travaille à mettre au point un système de traitement de texte à dictée vocale en plusieurs langues. Des postes téléphoniques « mains libres » sont commercialisés au Japon et aux États-Unis, en particulier pour les voitures, tandis qu'en France le CNET et France Télécom expérimentent des messageries vocales (Mairie Vox) et les Publivox, cabines téléphoniques sans combiné ni cadran : après avoir introduit sa télécarte, on appelle son correspondant en énonçant son numéro par blocs de deux chiffres.

Spécialisée dans ces techniques de parole électronique, la société Vecsys développe, avec le laboratoire CNRS Limsi d'Orsay, des cartes de reconnaissance à mots isolés et enchaînés. Elles sont utilisées pour assister les handicapés à domicile, ou en milieu hospitalier. Les ordres donnés par la voix sont identifiés et commandent des émetteurs à infrarouge qui actionnent à distance plusieurs fonctions dans la pièce : alarmes, éclairages, mise en marche d'appareils, appels téléphoniques, surélévation de lit, manœuvre d'un fauteuil mobile... En collaboration avec Fichet-Bauche, elle met également au point des serrures à commande vocale pour des contrôles d'accès de haute sécurité.

Le comportement humain modélisé

Issue de trente années de recherche, la reconnaissance des formes constitue ainsi un vaste réservoir d'applications, dont certaines sont appelées à bouleverser notre communication avec les machines. Le but ici recherché est de donner à ces dernières une perception limitée de l'environnement par simulation électronique de nos sens, essentiellement la vue et l'ouïe. L'IA cherche à reproduire le comportement humain, non seulement notre perception du monde, mais aussi notre système d'acquisition des connaissances et nos facultés de raisonnement. Quant aux réseaux neuronaux – nouveaux outils qui ont fait cette année l'objet de plusieurs séminaires dont « Neuronimes 90 » à Nîmes en novembre –, ils tentent de « capter » d'autres facultés humaines : l'adaptabilité, la capacité d'apprentissage, l'association d'idées, la recherche de solutions.

Cette approche met en œuvre des méthodes informatiques particulières. Alors qu'en informatique classique l'analyste-programmeur décompose préalablement son problème avant de le coder sous la forme d'un programme de traitement des données exécutable par l'ordinateur, le spécialiste en IA – le cogniticien – raisonne différemment : « J'ai un problème qu'a priori je ne sais pas résoudre. Voici les lois qui régissent le domaine concerné et voici les faits. L'ordinateur va trouver la solution et indiquer la façon dont il va résoudre ce problème. » Une telle démarche implique la formalisation préalable du raisonnement humain et justifie l'appellation d'ingénierie de la connaissance, ou génie cognitif, donnée à ces techniques.