Cette forme de rémunération « au mérite » se heurte à une incompréhension profonde et soulève une hostilité générale. Si la Fédération de l'Éducation nationale n'est pas, au départ, opposée à une formule de ce type, qui va dans le sens de sa réflexion sur la nécessité de « travailler autrement », elle est rapidement débordée par les réactions de sa base et par le refus radical de son syndicat du secondaire, le SNES. Cette différence d'analyse à l'intérieur de la FEN se superpose à des rivalités politiques entre la direction socialisante de la FEN et celle, plus proche du parti communiste, du SNES. L'opposition syndicale aux propositions gouvernementales prend alors une forme de plus en plus résolue.

De longues et laborieuses négociations

Une grève nationale organisée par le SNES le 27 janvier est assez largement suivie, notamment dans la région parisienne. Le 1er février, 15 000 instituteurs manifestent à Paris, à l'appel du SNI-PEGC et conspuent le ministre de l'Éducation nationale. Celui-ci, qui se trouve dans la position délicate d'avoir à défendre une politique avec laquelle il n'est pas entièrement d'accord, lâche rapidement du lest. Il renonce à la création d'un corps de professeurs de collèges, que refusait le SNES, et annonce l'alignement du recrutement des instituteurs sur celui des professeurs, au niveau de la licence, répondant ainsi à une revendication du SNI-PEGC.

Cette concession conduit le SNES à renoncer à une deuxième journée de grève, le 17 février, mais ne suffit pas à désamorcer la colère des enseignants. De nouvelles grèves et manifestations ont lieu à la rentrée des vacances de février. Plusieurs dizaines de milliers de professeurs descendent à nouveau dans la rue le 4 mars.

Toutefois, conscients que les propositions gouvernementales constituent un effort financier appréciable, les syndicats se montrent soucieux d'éviter une radicalisation excessive du mouvement et ne reprennent pas à leur compte le mot d'ordre de « retrait du plan Rocard-Jospin » avancé par les manifestants. Tout en maintenant la pression sur le gouvernement, ils continuent de négocier avec le ministère pour obtenir que la mise en œuvre de la revalorisation se rapproche de leurs conceptions. Estimant avoir en grande partie obtenu satisfaction, ils s'efforcent alors de convaincre leur base d'accepter le compromis. Le 3 mai, les principaux syndicats de la FEN – le SNES, le SNI-PEGC et le SNET (enseignement technique) – signent avec le ministère un « relevé de conclusions » qui met un terme à de longues et laborieuses négociations.

La revalorisation

Dès le début du mois d'avril et sans attendre cet accord formel, le ministère avait annoncé qu'il appliquerait le plan de revalorisation. Celui-ci, au terme de l'épreuve de force engagée entre le gouvernement et ses fonctionnaires, est assez différent de ce qui avait été primitivement annoncé. La mise en place des indemnités pour les enseignants exerçant « des responsabilités particulières » est repoussée à 1992. La création de « grades », introduisant des hiérarchies dans les catégories d'enseignants est abandonnée. Des augmentations indiciaires pour tous – dont bénéficieront aussi les retraités – sont prévues.

Mais l'effort principal consiste en une accélération des débuts de carrière et une amélioration de leurs dernières années. Ainsi, à partir de 1992, un instituteur débutera à 7 300 F (au lieu de 6 100 F actuellement) et pourra terminer à 13 000 F (9 800 F aujourd'hui) s'il intègre le nouveau corps des écoles créé en 1990. Une « hors classe » permettra aux futurs instituteurs et professeurs certifiés qui y auront accès de terminer à 14 500 F (au lieu de 13 000 F pour les certifiés actuellement). À terme, instituteurs et professeurs du secondaire (agrégés mis à part) seront ainsi recrutés au même niveau (la licence) et rémunérés sur un pied d'égalité.

La revalorisation touche également les universitaires. Sur ce terrain, le ministère a rencontré moins de difficultés, les syndicats du supérieur ayant été, le 16 mars, les premiers à signer un accord. Celui-ci prévoit une accélération globale des carrières – notamment pour le passage du corps des maîtres de conférences à celui des professeurs – mais aussi un système de primes d'enseignement, de recherche ou d'administration, au choix des intéressés.