Journal de l'année Édition 1990 1990Éd. 1990

L'Année des espérances

Située entre les jeux Olympiques de Séoul et la prochaine Coupe du monde de football, l'année 1989 n'a comporté aucune compétition de dimension internationale susceptible de changer les habitudes de chacun. En réalité, l'événement majeur de ces derniers mois a été politique. Il a concerné la décision prise par les dirigeants est-allemands d'ouvrir le « rideau de fer », avec toutes les conséquences que cela implique.

Le rideau tombe

Dès sa création en 1949, la RDA avait inscrit le sport comme droit constitutionnel et le considérait comme l'un des éléments essentiels du développement global de l'homme au sein de la société marxiste. Pour le parti, la conquête des podiums aux jeux Olympiques, aux championnats du monde ou d'Europe était un moyen efficace d'affirmer son identité et de diffuser sa propagande. Avec moins de 17 millions d'habitants, elle était ainsi arrivée à tenir tête aux États-Unis et à l'URSS, bien qu'à juste titre ses athlètes aient été soupçonnés de suivre une préparation biologique interdite par l'éthique et les règlements. Un calcul qui, à terme, s'est révélé payant dans un paysage audiovisuel réservant au sport une place de plus en plus importante. Et peu importe si, à l'image, la plupart de ses championnes ressemblaient à des « monstres » à force de recevoir des hormones mâles, notamment à l'École supérieure de culture physique de Leipzig, créée en 1950 et véritable creuset du sport d'élite est-allemand. Or, voici que dans la fièvre de la chute du mur de Berlin, on parle déjà de l'abandon de cette politique de prestige et de la réunification des deux Allemagnes, ce qui donnerait, à n'en pas douter, un mélange détonnant sur le plan sportif. Comme les statistiques le prouvent, l'efficacité de la machine est-allemande à produire des médailles, associée à la richesse humaine et financière de l'Ouest, laisserait la concurrence étrangère loin derrière. Mais d'ici là, que restera-t-il de la motivation des athlètes est-allemands face à l'univers des démocraties marchandes, alors qu'ils n'avaient, jusqu'à présent, qu'une idée fixe, la compétition et la victoire, source de promotion sociale ? Ne succomberont-ils pas aussi aux charmes que procure le mode de vie occidental, le plus souvent incompatible avec la pratique du sport de haut niveau ? C'est cette liberté nouvelle qui peut marquer la limite de la puissance d'une Allemagne unifiée.

Ombres et lumières du sport français

Du jamais vu dans l'histoire du sport automobile. Les trois titres mondiaux sur circuit sont revenus à des pilotes d'un même pays. En l'occurrence, des Français, dont le plus connu est Alain Prost, sacré pour la troisième fois de sa carrière, champion du monde de F1. Et cela, malgré la guerre ouverte qui l'a opposé à son coéquipier Ayrton Senna et à son patron d'écurie Ron Denis. Ce triomphe à la Pyrrhus ne consolera pas pour autant nos compatriotes de l'absence de leur chère équipe nationale à la prochaine Coupe du monde de football. Un verdict juste, puisque les éléments qui la composaient n'ont pas réussi à se qualifier dans un groupe éliminatoire relativement facile.

Tout aussi décevants se sont montrés nos joueurs de tennis, sortis sans gloire de la coupe Davis par les États-Unis et pratiquement inexistants lors des tournois du Grand Chelem, à l'exception de Yannick Noah, quart de finaliste à l'Open des États-Unis. Avec nos footballeurs, ce sont, à l'évidence, les « enfants gâtés » du sport français. Celui-ci, malgré tout, a connu une année faste, principalement grâce aux titres européens ou mondiaux obtenus par la nageuse Catherine Plewinski, la cycliste Jeannie Longo, les judokas Catherine Arnaud et Fabien Canu, les skieurs nautiques Patrice Martin et Aymerie Benet ou encore René Jacquot, devenu, trente après Alphonse Halimi, le premier boxeur français champion du monde. Et n'oublions pas non plus de citer Laurent Fignon, vainqueur de Milan-San Remo et du Tour d'Italie, Serge Blanco, élément moteur du XV de France, victorieux pour la quatrième fois de suite du tournoi des Cinq-Nations, et Jean-Pierre Papin dont l'opportunisme et le talent ont permis à Marseille de s'adjuger la coupe et le championnat de France de football.