La science, au quotidien, n'est pas toujours cette belle aventure désintéressée au service du progrès de l'humanité que le public imagine volontiers. Certaines recherches (comme celles sur la supraconductivité) ont un enjeu économique considérable. Les chercheurs sont des hommes, avec leur ambition, leurs faiblesses, leurs travers ; aussi se livrent-ils parfois, en coulisses, aux plus vives querelles. Celles-ci peuvent même s'étaler au grand jour. Car, si l'on exalte aujourd'hui le rôle des équipes, il n'en demeure pas moins que les grandes distinctions (prix Nobel, par exemple) sont décernées aux seuls individus. D'où une lutte parfois « au couteau » pour assurer la priorité d'une découverte susceptible de fournir la notoriété ou de couronner une carrière. Mais le chercheur est-il encore libre aujourd'hui de s'aventurer hors des sentiers battus ? La question prend un relief particulier en 1989 avec l'exceptionnelle médiatisation de deux affaires : celle de la « mémoire de l'eau » et celle de la « fusion froide ».

Parmi les découvertes ayant suscité beaucoup de commentaires figure aussi celle du fameux « trou d'ozone ». Peut-être ses causes sont-elles purement naturelles, comme l'affirment certains scientifiques ? Peut-être a-t-on surestimé la part de responsabilité des chlorofluorocarbones (CFC) dans le phénomène ? Toujours est-il que cette destruction de la couche d'ozone, ajoutée à l'effet de serre imputable aux rejets massifs de gaz carbonique dans l'atmosphère, ainsi qu'à la prolifération des déchets de toutes sortes, suscite des craintes nouvelles. On note en 1989 une prise de conscience particulièrement aiguë de ce que la Terre et son environnement représentent un patrimoine commun de l'humanité, qu'il convient de préserver à tout prix. Pour dresser le bilan de la situation et définir des lignes d'action, 180 scientifiques de 40 nations se réunissent à Paris les 12 et 13 juin dans le cadre d'un colloque « Planète Terre » organisé à l'initiative du ministère de la Recherche et de la Technologie, sous le haut patronage du président de la République.

Électronique, informatique et transports

S'il redoute parfois ses progrès, le monde ne saurait plus cependant se passer de la technique. Dans des secteurs tels que l'électronique et l'informatique, celle-ci nous offre chaque année des innovations spectaculaires. 1989 n'échappe pas à la règle. La firme américaine Intel présente le microprocesseur le plus miniaturisé et le plus puissant : le i 80860. Utilisant l'architecture RISC, c'est le premier microprocesseur comportant plus d'un million de composants élémentaires. Sa puissance de calcul en fait l'équivalent d'un superordinateur Cray I. Il comporte d'une part une unité de calcul sur les nombres entiers, capable d'effectuer 50 millions d'opérations par seconde, d'autre part une unité de calcul sur les nombres écrits en virgule flottante, capable de traiter 100 millions d'opérations par seconde. Cette puce à haute densité est appelée à bouleverser l'informatique individuelle puisqu'elle permet d'envisager l'arrivée prochaine d'ordinateurs personnels dont la puissance de calcul sera de l'ordre de celle des super-ordinateurs actuels.

L'un des domaines où le grand public peut le mieux percevoir l'avancée des techniques est celui des transports. Avec le TGV-Atlantique, mis en service le 24 septembre entre Paris et Le Mans, la SNCF dispose désormais d'une vitrine technologique exceptionnelle. Conçu pour circuler à 300 km/h, ce nouveau TGV permet de relier Paris au Mans en une heure, à Nantes ou à Rennes en deux heures et à Bordeaux en trois heures. Pour la première fois, un train entre dans l'ère des micro-ordinateurs. Les circuits de commande, de contrôle et de régulation de tous les équipements moteurs de la rame ont été conçus en tirant profit des microprocesseurs de la nouvelle génération. Le conducteur dispose d'un ordinateur central de bord. Le contrôleur possède les renseignements utiles à l'information et au confort des voyageurs. Les responsables des postes d'exploitation et de maintenance peuvent dialoguer avec le train et transmettre des informations par radio. Autre perfectionnement notable : la possibilité offerte aux passagers de téléphoner, avec l'installation de trois publiphones à bord de chaque rame. Tandis que le TGV-Sud-Est, inauguré en 1981, a déjà transporté plus de 100 millions de passagers à bord de ses 109 rames, l'entrée en service du TGV-Atlantique marque une nouvelle étape dans le développement de ce moyen de transport, très compétitif avec l'avion sur les petites distances. En attendant la réalisation du TGV-Nord, puis du TGV-Est et le prolongement du réseau vers Londres, Bruxelles, Amsterdam et Cologne. Ou l'inauguration du TGV espagnol, entre Séville et Madrid. L'importante avance technologique française acquise grâce au TGV se trouve d'ailleurs confortée le 5 décembre : entre 12 h 15 et 12 h 30, la rame 325 du TGV-Atlantique, équipée de roues plus grandes que la normale et réduite à quatre voitures (au lieu de dix en service régulier) atteint près de Vendôme (Loir-et-Cher) la vitesse de 482,4 km/h et pulvérise ainsi le record du monde de vitesse sur rail qui avait été ravi à la France le 1er mai 1988 par l'ICE (Inter City Express) ouest-allemand, avec 406,9 km/h entre Hanovre et Wurzbourg.