D'abord, le gouvernement a quasiment supprimé un fonds, le FIDAR (Fonds d'intervention pour le développement et l'aménagement rural), qui permettait de lancer, ou d'accompagner, des « micro-opérations » dans des régions rurales ou de montagne. Mais, parallèlement, il a créé un autre fonds, le FRIL (Fonds régional d'initiatives locales), doté de plus de 250 millions de francs, dont les crédits seront déconcentrés auprès des préfets de Région, libre à eux de détecter les projets de développement, les initiatives qui méritent d'être aidées. De même, un groupe de travail interministériel, animé par Didier Minot, chargé de mission à la DATAR, doit préparer pour le gouvernement des propositions visant à la fois à harmoniser toutes les procédures (européennes, nationales, régionales) relatives à la création d'emplois et à mobiliser tous les services publics pour le développement économique local.

Seconde différence, et elle est de taille. Elle concerne les structures gouvernementales, qui ne sont pas neutres. L'aménagement du territoire relève d'un ministre délégué, lui-même chargé aussi des reconversions et placé sous l'autorité du ministre de l'Industrie. Pour beaucoup d'observateurs, il s'agit là d'un recul, voire d'un contresens. Recul, car la DATAR qui, en droit, est un service du Premier ministre, n'est plus, en fait, rattachée directement à l'hôtel Matignon. De plus, réduire, au moins dans la présentation, la fonction de l'aménagement du territoire à une politique exclusivement tournée vers les agents économiques ou même – pire – les entreprises industrielles, c'est lui ôter une large part de sa légitimité et de son rôle global. Comment les autorités responsables de l'aménagement du territoire seraient-elles absentes du débat sur les villes, sur les friches rurales, sur les schémas autoroutiers, pour ne citer que les chapitres essentiels ? D'autres ministres ont bien compris l'importance des enjeux purement géographiques, donc géopolitiques, des choix à faire. Ainsi, Edith Cresson, ministre des Affaires européennes, a-t-elle décidé de mettre sur pied plusieurs groupes de travail, dans la perspective de l'échéance du marché unique et l'un de ces groupes, présidé par le promoteur immobilier Christian Pellerin, est précisément appelé à travailler sur le thème « Régions et Europe ».

La fin des « grands projets »

Le précédent gouvernement avait bien essayé, le 25 février 1988, à l'occasion du vingt-cinquième anniversaire de la DATAR, de remobiliser les esprits, de relancer la machine, de réaffirmer bien haut et bien fort qu'il est possible de conjuguer efficacité économique, compétitivité de la France en Europe et solidarité géographique. Ce jour-là, tous les anciens délégués de la DATAR s'étaient réunis, avec autour d'eux des personnalités aussi diverses que Jean-Pierre Fourcade et Philippe Lamour. Manque de moyens budgétaires, risque d'apoplexie de la région parisienne, égoïsme des métropoles vis-à-vis de leur arrière-pays, tous les grands thèmes ont été développés, dans une belle unanimité. Mais une fois les 25 bougies soufflées, chacun est reparti dans sa province, son entreprise ou son ministère, et l'aménagement du territoire n'a toujours pas retrouvé son lustre.

Il est vrai que, conçue comme une politique d'État, elle ne peut plus avoir une grande cote. Car, depuis 1982, la décentralisation s'ancre dans les mœurs ; les départements, les villes et les Régions s'affirment, y compris au plan financier ; et personne ne songe à remettre en cause, fondamentalement, une réforme qui vise (mais elle n'y est pas encore parvenue parfaitement) à rapprocher le pouvoir du citoyen, à organiser les compétences au niveau de l'administration le mieux adapté, selon le principe de « subsidiarité ».

Surtout, depuis l'adoption, sous l'impulsion de M. Pierre Méhaignerie, en 1987, du schéma autoroutier, on n'a pas eu à connaître de nouveaux « grands projets ». Les grandes opérations en cours en 1988 sont quasiment toutes des « coups partis ». Les travaux en vue de la construction à Marne-la-Vallée d'un Eurodisneyland se poursuivent ; la pose des voies et des caténaires du TGV-Ouest devait être terminée à la fin de 1988 ; et les premiers trains rapides étaient prévus pour l'été 1989. Le tunnel sous la Manche progresse. À Paris, le chantier du nouvel Opéra de la Bastille bat son plein ; à La Défense, celui de la grande arche aussi. Le pont de l'île de Ré a été inauguré en mai.