Comment trancher ces débats, sinon par un élargissement de la participation politique dans le Parti et dans le monde du travail ? Le plénum des 27-28 janvier 1987 fut à cet égard essentiel, puisque Mikhaïl Gorbatchev proposa alors un programme de démocratisation pour le Parti et les acteurs économiques. Pour le Parti, possibilité de choix des candidats et élections au scrutin secret ; choix entre deux candidats pour les élections au Soviet. Dans le domaine de la production et des échanges, élections des chefs d'entreprise et des responsables économiques plutôt que nominations. S'agissant du Parti, Gorbatchev fut en janvier 1987, dans son discours, relativement précis, puisqu'il admit que le système pouvait même s'appliquer aux échelons supérieurs de l'administration. Cependant, ici, la résistance de l'appareil s'exprime.

Réticent à s'appliquer à lui-même les propositions de démocratisation, le Comité central de janvier encourage, en revanche, l'expérience au niveau des soviets locaux (aux élections de juin 1987, un certain nombre de districts virent s'affronter plus de candidats que de sièges à pourvoir) et surtout se montre favorable à l'introduction du principe électif dans les entreprises. Certaines organisations du Komsomol (jeunesse communiste) ont aussi suivi cet exemple. Au demeurant, il faut noter que les propositions de Gorbatchev ne font que suivre l'exemple de la loi électorale hongroise de 1983, expérimentée aux élections de juin 1985, et du système électoral polonais appliqué en mars 1984 au Parti, et en juin 1984 aux conseils locaux et au parlement. En un sens, la direction politique soviétique s'est montrée plus timorée que le général Jaruzelski, et, plus encore, que le gouvernement hongrois. Comment dépasser les oppositions bureaucratiques ? Gorbatchev a inclus dans son programme la mise en place d'une procédure référendaire pour associer la société aux grands débats. Si l'idée est lancée, sa traduction dans un texte concret et rapidement applicable se fait encore attendre. Pour gagner l'opinion publique, Gorbatchev en appelle aux médias. Le Soviet suprême s'est attaqué en 1986 à l'élaboration d'une loi sur la presse et l'information destinée à résoudre des problèmes brûlants : jusqu'où va le droit à l'information, celui de se procurer des informations ? Quel est le rôle de la censure ? Quel est le statut des médias et même quelles sont les dispositions applicables aux correspondants et aux organes d'informations étrangers en URSS ? La loi n'a pas encore vu le jour.

La réforme morale

L'un des aspects les plus remarquables du gorbatchevisme est le constat du désarroi moral de la société et l'énumération de ses signes : alcoolisme galopant, progression de la drogue, prostitution, délinquance, malversations, crise idéologique conduisant à la recherche de systèmes de valeurs alternatifs.

Ici Gorbatchev a engagé une campagne de restructuration morale dans toutes les directions. Lutte contre l'alcoolisme d'abord, responsable de la dégradation physique des Soviétiques, de l'absentéisme et des accidents du travail et de la circulation. Commencée sous Andropov, cette action concertée s'est accélérée en application des résolutions et décrets du Comité central et du Conseil des ministres de mai 1985. Interdiction de vendre de l'alcool aux clients de moins de 21 ans, réduction des heures et des points de vente, hausse des prix. Après une phase d'optimisme fondée sur le constat que les ventes d'alcool avaient considérablement diminué, la direction soviétique, dès le début de 1987, a pris conscience de la réalité de manière plus lucide. Les queues devant les établissements où l'on vend de l'alcool se sont allongées ; la ruée sur les eaux de toilette et autres produits analogues, ainsi que sur le sucre, atteste que la distillation domestique – combien dangereuse – se substitue à la production étatique. Plus encore, l'extension de l'usage des stupéfiants, désormais reconnue, est pour partie attribuée en URSS à la restriction de la vente d'alcool. Quant à la prostitution, elle incline les pouvoirs publics à camper sur une position moralisante et répressive ; la peur du Sida est aussi à l'origine de mesures discriminatoires. En même temps que l'on prépare une réforme du code pénal qui adapterait l'appréciation des délits à l'évolution des sociétés urbanisées où se développent le chapardage et un certain vandalisme juvénile, à l'égard duquel le droit soviétique pourrait se faire plus flexible, c'est la volonté de freiner l'expansion des « tares morales majeures » qui dominerait.