La royauté d'Hugues manifeste les aspirations de la France de son temps. L'installation définitive de la famille robertienne (issue de Robert le Fort) était une réalité nouvelle, bien comprise comme telle par les contemporains, créée par l'élection de Senlis du 1er juin 987, par le sacre de Noyon du 3 juillet suivant et par celui de Robert, fils d'Hugues, à la fin de la même année. Pour que cela puisse s'accomplir, le ralliement spectaculaire, appuyé par des discours publics, du titulaire du siège archiépiscopal de Reims, Adalbéron, avait beaucoup fait ; l'église de Reims était en effet, depuis le milieu du ixe siècle, et en 979 encore, le lieu du sacre des Carolingiens. En 987, Adalbéron consacre le robertien Hugues, ce qui est bien significatif de la désaffection générale subie par les Carolingiens. Bien plus, à cette occasion est prononcée de manière décisive, ferme et argumentée l'inaptitude à la royauté du dernier Carolingien, mis à l'écart par un vote aristocratique et dont la descendance masculine s'éteint rapidement.

Mais ce n'est pas à ces seuls faits, trop particuliers ou trop institutionnels, que s'attache le souvenir des premiers temps du lignage. En 987, la royauté d'Hugues, sacrée, est conforme à la tradition franque, définie par le sacre de 751. Comme ses prédécesseurs, il est le guide du peuple des Francs, c'est-à-dire qu'il a le devoir d'assurer le respect des droits de chacun, la justice et la paix sur la terre des ancêtres, comme Hugues l'affirme dans le serment qu'il prononce avant son sacre.

Selon le roi même, cette royauté est l'héritière de celle de Charles le Chauve, sa plus fréquente référence. C'est dire qu'il conçoit son gouvernement comme appuyé à la fois sur l'Église et sur les grands, à qui il demande aide et conseil et sans lesquels toute décision est vaine. Ce gouvernement par conseil et consentement des grands, qui sont, en principe, les représentants de l'ensemble de la France, est une manière de « concertation ». Une idée bien actuelle. Un roi qui fait corps avec son royaume, tel apparaît Hugues ; mais c'est aussi un roi qui assure la paix et la prospérité, selon un discours d'Adalbéron. L'église de Reims, l'ordre de Cluny, les princes de tout le territoire voient dans le nouveau roi le garant de la paix, génératrice de bienfaits. Il est le roi de tous les ralliements ; il a prouvé la valeur de ses armes (en 978 notamment) et, plus encore, celle de sa diplomatie (à Rome, en 981). En cette fin du xe siècle, on le sait fidèle à ses promesses, entouré de nombreux vassaux et riche de terres réputées pour leur dynamisme économique : pays de Loire et Parisis surtout. Selon Adalbéron, il est « le père de l'aristocratie », ce qui veut dire qu'il reçoit les suffrages de l'ensemble des princes et de leurs dépendants, ce qui n'est pas loin de représenter l'ensemble du royaume. Dans une lettre écrite au lendemain de son couronnement, il peut parler de la « tranquillité » dont jouit alors le pays. Protéger les églises, prendre l'avis des grands, assurer la justice et la paix à tous, respecter les traditions : voilà la royauté de ce temps.

Dans le royaume, Hugues a toujours occupé une place exceptionnelle, avant comme après 987. Avant 987, et depuis 960, il porte un titre unique, celui de duc des Francs. Celui-ci n'est en rien comparable aux autres titres ducaux. Les ducs détiennent normalement le gouvernement de territoires appelés principautés et portent le nom de peuples qui ne sont pas les Francs : duc des Aquitains, des Bourguignons, des Gascons, etc. En revanche, le pouvoir du duc des Francs s'étend sur l'ensemble des régions et son titulaire assume, selon les textes émanant du roi, la conduite des armées, la tenue du conseil royal et la représentation de toute l'aristocratie. Il est le chef des grands et non un grand parmi les autres. Pour Hugues, cette prérogative est soutenue par le fait que presque tous les princes-ducs, non seulement ceux du Nord, mais aussi les princes méridionaux, ont conclu des alliances familiales avec lui. Après 987, il gouverne donc avec ses proches, ce qui rend sa royauté réelle et efficace.