Et c'est encore le sacre qu'évoque le timbre de 1,90 F émis le 20 juin par les Postes et Télécommunications à Noyon, lieu où fut couronné Hugues. Il représente la cathédrale où se déroula la cérémonie et le monogramme à la croix, dont le modèle a été fourni par un diplôme concédé par le roi à l'abbaye de Saint-Maur-des-Fossés le 20 juin 989.

De son côté, au milieu du mois d'août, France-Culture consacre plusieurs émissions de cinq heures consécutives à toutes les questions soulevées à l'occasion du millénaire. Tous les aspects de l'histoire sont repris, événements, vie quotidienne, art, symboles, institutions, archéologie, par un large éventail d'historiens. Une audiocassette a été réalisée.

La fête populaire

Localement, les associations aident les pouvoirs publics. Parfois, elles prennent l'initiative et invitent alors les représentants de l'État ou les élus à venir les rejoindre.

Souvent, c'est autour d'un fait historique local précis et connu de tous ou autour d'un monument porteur de mémoire que se concrétise la volonté de commémoration. Ainsi, à Dourdan : les habitants de la ville savent bien que le château était royal ou, mieux, robertien, puisque c'est dans ses murs que mourut Hugues le Grand, père d'Hugues Capet, en 956. Mais qu'importe si l'édifice a changé depuis ; qu'importe aussi si l'église actuelle de Brissarthe (Maine-et-Loire) n'est plus celle de l'époque : sur place, chacun se souvient que Robert le Fort, bisaïeul d'Hugues Capet, trouva ici la mort en combattant les envahisseurs normands.

Toute l'histoire des ixe et xe siècles devient un support de commémorations, d'inaugurations, prenant subitement une surprenante actualité : le village de Quierzy-sur-Oise, dans l'Aisne, se rappelle ainsi du plaid royal de 877 et dresse une plaque commémorative de l'événement. Au-delà d'Hugues Capet, on pense à l'aube de la France, territorialement esquissée au temps de Charles le Chauve, peu de temps avant le plaid de Quierzy, précisément.

À Fontfroide, à Reims, à Auxerre, messes grégoriennes et royales, concerts de musique sacrée, expositions font renaître le faste ou l'austérité des liturgies anciennes. Les châteaux, ranimés, embellis, illuminés, s'ouvrent aux foules qui regardent, découvrent, questionnent, comme à Vincennes du 2 mai au 14 juin, ou à Chambord, bien que ces édifices royaux aient été construits plusieurs siècles après l'avènement d'Hugues Capet.

L'aspect officiel et associatif de la commémoration du millénaire bénéficie du support des monuments, des richesses artistiques, des tapisseries, des peintures, de la musique, des textes mêmes qui sont parfois portés à la connaissance du public et présentés de manière accessible. Pour l'amusement, et pendant tout l'été, les fêtes populaires installées sur les carrefours, les places, dans les rues, sur des scènes théâtrales provisoires, quelquefois à l'ombre de tours ou de beffrois austères, engendrent un art nouveau. Chants, danses, décors divers, vitraux, sculptures sur pierre naissent ou sont restitués à l'occasion d'une cavalcade, d'un tableau historique, d'un cortège, d'une « entrée royale », d'un tournoi d'archers ou de cavaliers, voire d'un marché médiéval... L'inspiration est puisée dans les mille années et plus qui nous séparent des premiers Capétiens et de leurs ancêtres. La fête populaire est accueillante et fait place à Saint Louis, à Jeanne d'Arc, plus encore qu'à Hugues Capet lui-même.

Le millénaire des historiens

Le millénaire « scientifique » est plus précis et très enrichissant. Les historiens spécialistes du xe siècle, peu nombreux en France, ne ménagent pas leurs efforts. Livres, articles, cours publics en Sorbonne, conférences, expositions les conduisent sans relâche aux quatre coins du pays. Edmond Pognon, Yves Sassier, Laurent Theis, Renée Mussot-Goulard, tous auteurs d'un Hugues Capet, paru ou à paraître, ont éclairé le xe siècle d'un regard nouveau. Mais ils ne sont tout de même pas seuls. Là encore, une partie des conférences-expositions, des conférences-débats, des conférences-dîners s'interrogent sur l'ensemble des « temps capétiens ». De larges fresques éclairent la mémoire des Français sans toutefois susciter de nouvelles recherches sur l'ensemble de la dynastie : l'année 1987 est celle d'une synthèse plus interprétative qu'analytique. C'est l'image qu'en donnent J. Le Goff et Ph. Contamine, en particulier, dans les articles qu'ils consacrent à la naissance de la nation France et au surgissement de la notion de patrie dans les Lieux de mémoire (Gallimard, 1986) et dans le numéro spécial de la revue l'Histoire (janvier 1987). En revanche, les « dixiémistes », qui se sont orientés il y a quelques années vers une nouvelle approche de l'histoire, notamment par l'enquête archéologique et une relecture des textes contemporains, apportent sur diverses questions le fruit de leurs travaux. Le sacre, les principautés, les premières mottes castrales, les rassemblements villageois, la vie quotidienne et les rites de la mort sont de mieux en mieux connus grâce aux textes et à l'archéologie de fouille.