Compte tenu de ses besoins en aéronautique, la France reste en Europe le premier pays consommateur de fibres de carbone, dont le Japon est le premier fabricant avec 60 p. 100 de la production mondiale, qui est évaluée à 5 500 tonnes par an. Aussi, en 1985, une usine a été installée à Abidos, dans les Pyrénées-Atlantiques, par Soficar, filiale commune constituée par Elf-Aquitaine, associée à Pechiney et à Toray, le principal producteur nippon. Ce dernier apporte sa technologie, son savoir-faire et la matière première : une fibre acrylique à longue chaîne de carbone, le poly-acrylonitrile, qui, après oxydation et carbonisation à haute température, se transforme en fibres de carbone. La capacité de production d'Abidos, actuellement limitée, s'élèvera à 450 tonnes par an en 1989.

Mais la France n'est pas la seule à investir dans la fibre de carbone : la firme néerlandaise Enka a mis en service un établissement industriel susceptible de livrer plusieurs centaines de tonnes de fibres par an ; les principaux producteurs japonais ont annoncé des extensions de leurs unités ; enfin, les Coréens, qui importaient du Japon des fibres pour cannes à pêche et raquettes de tennis, se sont mis sur les rangs : Kosko a acquis la technologie européenne de la RK Carbone Fibres installée en Écosse.

En France, à Villeurbanne, Carbone Industrie, filiale à parité entre la Société européenne de propulsion et Alsthom, est une unité industrielle ne produisant pas, mais exploitant les fibres de carbone. Elle réalise des disques de freins en Sepcarb, constitués de fibres de renfort en carbone dans une matrice elle-même en carbone. Ce composite offre, par rapport à un matériau classique, l'avantage d'un gain de masse – de l'ordre de 500 kg sur un Airbus et de 8 tonnes sur un TGV équipés de ces freins – associé à l'amélioration des qualités de freinage, puisqu'il résiste aux très hautes températures. La production de tels disques devrait atteindre 50 tonnes à la fin de la décennie.

Des pièces en céramique pour l'automobile

Si le moteur en céramique a fait couler beaucoup d'encre, aucune solution ne paraît actuellement industrialisable en série, sauf pour quelques éléments comme les sièges de soupapes ou les tubulures d'échappement. Il faudra suivre, cependant, le développement de l'important programme lancé sur dix ans, à partir de cette année, par le Miti, avec les constructeurs japonais. Par ailleurs, MAN, associé à la Société européenne de propulsion, a entrepris un programme similaire dans le cadre du programme Eurêka. Dans les deux cas, on cherche à mettre au point un moteur thermique sans refroidissement, et avec températures de fonctionnement de l'ordre de 1 200 °C : le rendement serait alors de 0,5, contre environ 0,3 actuellement.

Le constructeur automobile japonais Nissan a, par ailleurs, annoncé son intention d'équiper en série un modèle haut de gamme – un coupé sport 2 litres – d'un turbo avec rotor en céramique à base de nitrure de silicium, deux fois et demi plus léger que son homologue métallique. Il s'agit ici de céramiques « massives » qui présentent des risques de rupture. Pour éviter les risques que comporte cette fragilité, industriels et chercheurs se penchent actuellement sur les fibres en céramique qui servent alors de renforts à des matières elles-mêmes en céramique : on obtient des composites céramique-céramique, comme il existe des composites carbone-carbone. Les performances de tels matériaux, notamment leur résistance aux hautes températures en atmosphère oxydante, en font un élément de choix pour des applications aérospatiales. C'est pourquoi les parties les plus chaudes de la future navette spatiale européenne Hermès feront appel à eux. Ces fibres céramiques ont des caractéristiques semblables à celles des carbones à haute résistance, mais conservent ces propriétés à plus de 1 100 °C. La Société européenne de propulsion, chargée de ce secteur du programme Hermès, a créé avec Rhône-Poulenc une filiale de fabrication en France. Le choix s'est porté sur une fibre en carbonitrure de silicium dont la production a démarré cette année à Saint-Fons dans une filiale de Rhône-Poulenc, Céramiques et Composites. Cette fibre, qui sera produite en petite quantité – une vingtaine de kilos par mois seulement –, résiste à 1 200 °C et tient à la rupture sous des charges de 250 kilos/mm2. Elle coûtera environ 5 000 F le kilogramme et sera incorporée dans les matrices céramiques de la Société européenne de propulsion.

Du Kevlar aux alliages plastiques

Mis au point par Du Pont de Nemours voici quinze ans, le Kevlar est une fibre aramide de couleur jaune qui a servi aux fabricants de pneumatiques pour remplacer l'acier dans les ceintures de pneus. Matériau léger, le Kevlar offre une très grande résistance à la traction, même soumis à des températures de 200 à 300 °C. Cette résistance, doublée d'une faible densité, lui ouvre des applications innombrables. Il sert notamment à construire des bateaux de plaisance où il remplace les nappes de fibres de verre. C'est la firme française Chomarat qui a conçu, avec le chantier naval Jeanneau et Du Pont de Nemours, ce tissu mixte fibres de verre-Kevlar, l'Amarat K. Environ 800 embarcations en Kevlar sont ainsi produites chaque année, ce qui représente 40 tonnes de fibres, soit l'équivalent de la consommation actuelle de l'industrie aéronautique européenne. Principal intérêt en construction navale : la résistance au choc des coques en Kevlar est doublée avec un gain de poids de 5 p. 100.