Ainsi, lorsque les marchés fonctionnent bien, mais à cette condition seulement, l'entreprise privée apparaît plus performante sur le plan économique que la firme publique. Il convient, de ce fait, de prendre toutes les précautions nécessaires lors d'une décision de dénationalisation. Une bureaucratie privée est moins souhaitable qu'une bureaucratie publique. De même, l'intervention publique est parfaitement justifiée lorsque le marché est défaillant.

Ces quelques remarques montrent la difficulté de la comparaison des firmes publiques et privées. Il en ressort que souvent, mais pas en toutes circonstances, l'entreprise privée réalise les meilleures performances économiques. Cette constatation ne signifie pas qu'il ne soit pas utile de tenter d'améliorer les procédures de la gestion publique.

La crise boursière a marqué la fin d'une première période de privatisations à la française. S'il est encore trop tôt pour en tirer toutes les conséquences, il est clair que l'accueil réservé aux dénationalisations par le grand public et par les salariés des firmes a été favorable. Il est évident aussi que le choix des entreprises concernées n'a pas été neutre à cet égard : le gouvernement a prélevé sur le stock des firmes les plus naturellement privatisables, tant au plan économique qu'au plan politique. Cette pause forcée se prolongera sans doute au-delà des élections présidentielles de mai 1988. Elle permettra d'apporter un début de réponse à quelques-unes des questions soulevées. On saura notamment si les nouveaux actionnaires sont en général fidèles. On pourra aussi, concrètement, déceler si la privatisation améliore les performances des entreprises. On découvrira enfin si les noyaux durs ne sont qu'une manière commode d'assurer un autocontrôle et si une bureaucratie privée a simplement remplacé une bureaucratie publique.

Daniel Soulié
Professeur de gestion à l'université de Paris-Dauphine, agrégé de sciences économiques et diplômé de l'École des hautes études commerciales, Daniel Soulié est un spécialiste de l'analyse économique des politiques d'entreprises. Il collabore régulièrement à Défense nationale, ainsi qu'à de nombreux périodiques économiques (Revue française de gestion, Chronique SEDEIS, Analyses SEDEIS, Revue économique, etc.).