Sur un plan plus étroitement économique, la question est la suivante : existe-t-il une supériorité manifeste de l'entreprise publique sur l'entreprise privée (ou réciproquement) ? Il importe d'abord de bien cerner les données du problème. Une entreprise est une organisation qui produit et vend sa production sur un marché. Là est sa fonction fondamentale, qui doit être distinguée d'autres missions qui ont pu lui être confiées. Si une entreprise assume des obligations de service public, les coûts qui en résultent doivent être clairement isolés et pris en charge par la collectivité (Ne pas procéder ainsi pose un problème d'équité – celui de savoir comment est financé le rôle social de l'entreprise. De telles pratiques conduisent aussi à dissimuler les coûte réels.). Dans le cas contraire, il n'existe plus de transparence, les mécanismes économiques sont faussés et l'arbitraire de l'État peut s'affirmer.

La comparaison doit s'effectuer sur la base de l'efficacité économique. La démarche adoptée par le gouvernement français a été préconisée par Adam Smith dès 1778 : vendre des entreprises publiques et employer les sommes obtenues à rembourser la dette. Une telle opération est financièrement rentable ; la diminution des recettes (dividendes versés par les entreprises dénationalisées) est plus faible que celle des dépenses (intérêts de la dette). Le problème central est donc l'évaluation de l'entreprise (Si la privatisation entraîne une augmentation de l'espérance de bénéfices, il en résulte que la valeur de la firme privée est supérieure à celle de la firme publique.). Il faut que le marché anticipe que le simple transfert de propriété au secteur privé améliore la rentabilité de la firme. Dans cette éventualité, le prix de l'entreprise est fixé, non pas sur la base de ses bénéfices actuels, mais sur celle des résultats qu'elle obtiendra après la privatisation.

L'hypothèse implicite est donc qu'une firme publique est nécessairement inefficace au plan économique. Plusieurs arguments sont avancés pour soutenir cette thèse. Certains portent sur le jeu de la concurrence. Le principal concerne le rôle de la Bourse. La valeur des actions reflète les performances de l'entreprise. Si de mauvais résultats sont dus à une gestion défectueuse, la firme s'expose à un risque d'offre publique d'achat, dont le succès entraînera le remplacement de l'équipe dirigeante (L'acheteur espère, en modifiant la gestion de l'entreprise, améliorer les résultats et réaliser une plus-value. Mais il lui faut d'abord changer les dirigeants en place.). Les marchés financiers, dont c'est un des rôles, sont mieux armés que l'État pour assurer un suivi permanent des performances des entreprises. Encore faut-il que la sanction – c'est-à-dire l'OPA – puisse réellement avoir lieu : il faut donc que le marché fonctionne bien. Il reste à la Bourse de Paris de prouver qu'elle peut être aussi efficace que celles de New York ou de Londres.

Sur le marché du travail, il existe dans le secteur public des rigidités plus grandes que dans le secteur privé. Les salariés des entreprises publiques disposent souvent d'avantages particuliers. En règle générale, ni l'existence de leur emploi ni leur niveau de rémunération ne dépendent des résultats de la firme. La privatisation permet donc d'accroître la motivation du personnel, d'autant plus qu'il lui est réservé, à des conditions favorables, 10 p. 100 du capital mis en vente.

Il n'est par contre pas pertinent, dans ce contexte, d'évoquer la concurrence sur le marche des produits. Elle n'a pas de liens directs avec le processus de privatisation. Tout au plus peut-on remarquer qu'il est dangereux de privatiser un monopole, mais aussi que le passage du monopole à la concurrence peut constituer une incitation à dénationaliser.

Un dernier argument est lié aux relations de pouvoir. Les dirigeants des firmes publiques sont nommés par l'État, qui peut en conséquence exercer des pressions sur leurs décisions. Or les intérêts de l'État dépassent souvent ceux des entreprises. Il en résulte un risque de confusion entre objectifs économiques et objectifs sociaux.