Veut-on punir la France pour sa politique proche-orientale, la contraindre à une autre attitude ? C'est plausible. Reste à savoir qui agit ainsi, car plusieurs groupes ou États ont des choses à lui reprocher. Des intégristes musulmans veulent obliger la France à retirer ses soldats de la force internationale de l'ONU au sud du Liban. La Syrie cherche à avoir les mains libres à Beyrouth. L'Iran essaie de contraindre Paris à rompre avec l'Iraq. Quant à la Libye, elle est toujours en conflit avec la France à propos du Tchad...

Les attentats de septembre sont revendiqués, à Paris et à Beyrouth, par deux organisations : le Comité de soutien aux prisonniers politiques arabes et du Proche-Orient (CSPPA) et les Partisans du droit et de la liberté. Un troisième groupe, l'ASALA (Armée secrète arménienne pour la libération de l'Arménie), entre à son tour dans cette surenchère de communiqués, menaçant de commettre des attentats si les « militants » détenus dans les prisons françaises ne sont pas libérés.

Les soupçons des enquêteurs se sont tout de suite portés sur les Fractions armées révolutionnaires libanaises (FARL), dont le chef présumé, Georges Ibrahim Abdallah, est détenu à Lyon. Ce Libanais brouille toutes les cartes : de famille chrétienne, il est de formation marxiste-léniniste et soutient les musulmans intégristes. On l'accuse notamment d'avoir trempé dans l'assassinat de deux diplomates à Paris, un Israélien et un Américain.

Georges Ibrahim Abdhallah paraît être tellement au centre des attentats qu'une « lettre ouverte » lui est adressée, le 15 septembre, par une cinquantaine de jeunes « beurs » et de personnalités maghrébines résidant en France. « Il faut que les attentats cessent au plus vite, écrivent les signataires. Le conflit du Moyen Orient ne peut se régler sur les berges de la Seine. Si par malheur, demain, la haine devait se retourner contre la communauté maghrébine en France, sachez que nous vous tiendrions comme responsable au même titre que ceux qui l'exerceraient à notre endroit. »

Deux frères de Georges Ibrahim Abdallah, Maurice et Robert, sont soupçonnés d'avoir joué un rôle essentiel dans le terrorisme parisien. Leurs photos sont affichées dans les lieux publics et une prime d'un million de francs est offerte à toute personne pouvant fournir des renseignements valables sur les auteurs d'attentats. Ce procédé, déjà testé en Allemagne fédérale, n'avait jamais été employé en France depuis la Seconde Guerre mondiale.

De son village de Kobayat, au nord du Liban, la famille Abdallah clame son innocence et se déclare prête à poursuivre le gouvernement français en diffamation. Un troisième frère, Émile, n'est-il pas soupçonné d'avoir commis l'attentat de la rue de Rennes ?

« Nous savons avec certitude que les frères d'Ibrahim Abdallah ont été mêlés aux actions terroristes en France », affirme le ministre de la Coopération Michel Aurillac. Il ajoute, de manière à peine voilée : « Nous savons aussi qu'ils ont été « exfiltrés » par des agents secrets professionnels. Enfin, nous avons constaté qu'ils avaient tenu au Liban une conférence de presse dans une région contrôlée par la Syrie. »

La Syrie, donc ? Non, le gouvernement de Jacques Chirac refuse de mettre en cause cet État. Il le remerciera même publiquement de « collaborer » avec la police française.

Une série d'allées et venues, plus ou moins discrètes, ont lieu entre Paris et Damas. Le ministre de la Coopération et le directeur de la DST se rendent dans la capitale syrienne, tandis qu'un archevêque grec catholique, Mr Hilarion Capucci, proche du gouvernement de Damas et des Palestiniens, accomplit une « mission de bons offices » à Paris du 19 au 30 septembre et rencontre notamment Georges Ibrahim Abdallah dans sa cellule de la santé. Cette initiative déplaît à l'Élysée, qui ne manque pas de le faire savoir.

Les victimes indemnisées

Une loi d'indemnisation des victimes des attentats a été promulguée le 9 septembre 1986, mettant fin à une injustice de plus en plus flagrante. Jusqu'alors, en effet, les personnes ou les familles qui avaient vu leur vie ruinée en quelques secondes par un acte terroriste ne recevaient aucun dédommagement.