Catherine Michaud

Variétés

La France n'est plus le seul pays à fêter la musique dans la nuit du 21 juin. Quarante-quatre autres nations se sont associées à l'événement. Un fantastique orage et le Mundial ont donné un caractère inattendu à cette fête, qui célébra, en fait, la victoire de la France sur le Brésil... La renaissance du jazz est confirmée. « Halle that jazz », le rendez-vous de la Grande Halle de la Villette s'est renouvelé avec succès. L'Orchestre national de jazz, créé en janvier et placé sous la direction de François Jeanneau, a reçu un accueil enthousiaste dès son premier concert. Le viie festival de jazz de Paris (28 octobre-8 novembre) s'est ouvert avec un concert du saxophoniste Sonny Rollins au Grand Rex.

En ce qui concerne le rock, à défaut de qualité, 1986 s'est gorgé de quantité. Si le climat est toujours à la défaite pour le rock français (qui a même vu éclater son groupe Téléphone), le rock anglo-saxon, lui, a entamé un parcours français qui passait par Bercy (Elton John, Dépêche Mode), l'Olympia (Sade), le Grand Rex (Matt Bianco), l'hippodrome de Vincennes (Queen) et surtout le Zénith, avec Prince, venu lancer ainsi son film Under the Cherry Moon, avec les titres de son nouvel album Parade.

La réhabilitation de la chanson française a été amorcée. Le Conseil supérieur de la musique s'étant ému de la voir reculer partout, le Printemps de Bourges a favorisé la création du Conseil francophone.

Après avoir publié un livre blanc qui analyse le déclin de la chanson française, la SACEM est entrée au BLIM (Bureau de liaison interprofessionnel de la musique). Cet organisme, créé en octobre, regroupe toutes les sociétés civiles liées à l'art des sons et prend en charge la défense de la chanson française. Le public, quant à lui, ne la boude pas toujours, surtout si sa créatrice s'appelle Barbara, qui lui a rendu ses lettres de noblesse avec Lily Passion.

Catherine Michaud

Photographie

Les initiatives prises dans le domaine de la photographie depuis cinq ans se sont non seulement développées, mais ont aussi servi d'exemples à l'étranger. Le festival de Houston (février-mars) est ainsi apparu comme un Arles en moins réussi – manque d'expérience, de cohésion. Les Rencontres, les vraies, celles de la cité camarguaise, se sont déroulées sous le double signe du rock et du rajeunissement. Nouvelle direction, nouveaux lieux d'expo – comme le très bel Atelier des Forges – se sont ouverts aux jeunes. On a pu y découvrir les portraits d'Anton Corbijn et d'Annie Leibovitz, stars du rock comme leurs modèles. Ou voyager, in vivo, avec les photos de Max Pam et de Sebastiao Salgado. À Paris, la saison a aussi connu ses grands moments. D'abord, avec la superbe rétrospective Explosante fixe, sur les rapports entre le surréalisme et la photo (CNAC-G.-Pompidou, Printemps). Et plus tard, avec l'hommage à Robert Frank et à son œuvre, films compris (Centre national de la photo, mai-juin). On sait l'importance de ce Suisse émigré aux États-Unis et l'influence qu'il n'a cessé d'exercer sur un certain reportage « sensible », très prisé en France (Plossu, Depardon, Nori).

1986 aura été l'année de la consécration pour Jeanloup Sieff : grande rétrospective au musée d'Art moderne (mai-juin), livres (dont Torses nus, chez Contrejour), expositions dans tout le pays : il était temps de saluer l'un de nos rares talents reconnus dans le monde entier.

L'événement reste le Mois de la photo (novembre), avec ses soixante expositions à travers Paris. Cette année, le thème central était l'Amérique latine : découverte (les Argentins, chez Agathe Gaillard), ou confirmation (Manuel Alvarez Bravo, au musée d'Art moderne). Avec, en bonus, dans un ensemble consacré aux années 1920 à 1950, le plaisir de revoir les classiques de Man Ray, Bill Brandt, August Sander, Diane Arbus, Willy Maywald...

Alain Dister

Cinéma

On a produit, en 1986, moins de films français que l'année précédente, mais de qualité supérieure. Le Lion d'Or du dernier Festival de Venise a couronné le Rayon vert, d'Éric Rohmer. Le film réalise un excellent score public et donne le coup d'envoi à la sortie d'un grand nombre d'œuvres françaises de haute qualité. D'abord, chez les « vétérans » comme Michel Deville (le Paltoquet), Alain Resnais (Mélo), Alain Cavalier (Thérèse), Jacques Doillon (la Puritaine). Puis, parmi les jeunes cinéastes qui en sont à leur premier film (Olivier Assyas pour Désordre ; Claire Devers pour Noir et blanc) ou au second (Jean-François Stévenin avec Double messieurs et, surtout, Leos Carax avec Mauvais Sang, qui a reçu le prix Louis Delluc). La plupart de ces réalisations font preuve d'une originalité thématique et formelle certaine : l'éclatement du genre « policier » mis au service de dérives psychologiques (Désordre et Mauvais Sang) ou la délicate découverte de son corps par un employé de bureau (Noir et blanc).