L'énorme responsabilité de l'équipe de conduite du réacteur a été reconnue et soulignée par les autorités soviétiques. À Vienne, A.M. Petrossiants, président du Comité d'État pour les utilisations pacifiques de l'énergie nucléaire, a déclaré officiellement que l'accident avait eu lieu à la suite de toute une série de violations grossières des règles de la conduite par le personnel.

Les matériaux déversés par les hélicoptères de l'armée soviétique sur les ruines du réacteur ont eu un triple but : empêcher une nouvelle réaction nucléaire explosive (d'où, dans ces matériaux, la présence du bore, élément capturant fortement les neutrons), éteindre l'incendie du graphite et surtout faire cesser l'émission de produits radioactifs.

Renforcement de la radioprotection

Le bilan de l'accident, établi à la fin de septembre, est très lourd et fera date dans l'histoire :
– 31 morts, dont 28 du fait de l'accident lui-même ;
– 365 personnes hospitalisées, dont 200 gravement irradiées ;
– 135 000 personnes évacuées dans un rayon de 30 km autour de la centrale et mises en observation médicale ;
– plus de 1 000 km2 d'une des régions les plus riches de la Russie rendus improductifs du fait de la contamination ;
– possibilité d'extension de la zone dangereuse en cas de contamination de l'eau des cours d'eau et de la nappe phréatique.

C'est sur la limitation du danger radioactif que l'action des autorités soviétiques s'est portée en priorité. Très vite, des mesures ont été prises pour isoler la tranche no 4 de l'eau de surface et de la nappe phréatique. Il fallait surtout éviter que le Dniepr, qui alimente en eau la moitié de la ville de Kiev, soit contaminé.

Des travaux ont été également lancés pour réaliser un confinement des superstructures de la tranche accidentée, afin d'arrêter la dispersion des matières radioactives et de remettre rapidement en service les tranches 1, 2 et 3. Ils comprennent la construction de murs de béton et, dans la salle des machines qui est commune aux tranches 3 et 4, d'une cloison métallique étanche. La décontamination du sol a été entreprise et les autorités avaient annoncé qu'elle serait achevée à la fin de 1986, mais les problèmes à résoudre sont très difficiles.

Les autorités soviétiques ont déclaré que l'accident était entièrement imputable aux fautes commises par le personnel et que la confiance mise dans les centrales du type RBMK n'était pas entamée ; elles ont cependant annoncé des mesures techniques destinées à accroître la sûreté de ces centrales et notamment à éviter que le coefficient de puissance des réacteurs puisse, dans certaines conditions, devenir positif.

La plupart des experts en radioprotection s'accordent pour estimer qu'au-delà des frontières de la Russie, les conséquences de l'accident sur la santé des populations – et notamment en ce qui concerne le cancer – seront très réduites et pratiquement impossibles à identifier parmi les cas, beaucoup plus nombreux, de maladies et de décès provoqués par d'autres causes. Exploité et amplifié par les mouvements antinucléaires, l'accident a provoqué des réactions défavorables à l'énergie nucléaire dans l'opinion publique des pays occidentaux, réactions qui, elles-mêmes, ont eu des répercussions au niveau des décisions gouvernementales.

Bien que les responsables du développement de l'énergie nucléaire dans les différents pays aient tenu à réaffirmer la nécessité du recours à cette source d'énergie pour satisfaire aux besoins globaux en énergie des pays développés ou en voie de développement, il est indéniable que Tchernobyl a donné un coup de frein plus ou moins brutal à de nombreux programmes nucléaires.

L'URSS, suivie des pays de l'Est, reste à l'écart de ces répercussions. Elle a établi le programme nucléaire le plus ambitieux et elle estime n'avoir aucune raison de le remettre en cause.

L'expérimentation au vrai

Pour la première fois depuis le début du développement de l'énergie nucléaire, les spécialistes de l'étude des effets des radiations sur l'homme vont disposer d'une masse de données établies à partir des observations faites sur un grand nombre de personnes ayant été irradiées et suivies médicalement depuis cet accident. Ainsi, l'ampleur du drame de Tchernobyl permettra d'acquérir une meilleure connaissance des effets biologiques des radiations et d'améliorer les normes de radioprotection ainsi que les moyens de traitement. Mais il faudra attendre plusieurs dizaines d'années pour parvenir à des conclusions sûres, car l'exemple d'Hiroshima montre que l'effet d'une irradiation peut se manifester trente ou quarante ans plus tard.