Prenons garde cependant de ne pas surestimer l'accord du 22 septembre. Les questions que se pose à son sujet la communauté internationale se ramènent aux deux suivantes :
1) Même si elles le veulent, les banques centrales peuvent-elles contrôler durablement les marchés de change ?
2) Un accord a-t-il été passé le 22 septembre sur le jeu de parités cohérent auquel il conviendrait de stabiliser les rapports de change essentiels ?

1. – À la première question, la réponse qui prévalait il y a encore peu de temps était non. Aujourd'hui, l'expérience des deux derniers mois conduit plutôt à répondre positivement. Le plus simple est de reprendre les arguments qui étaient employés hier et de montrer en quoi ils étaient erronés.

Le premier argument était l'importance des capitaux échangés quotidiennement sur les marchés de change. On cite fréquemment un chiffre de 150 à 200 milliards de dollars. Cependant, il n'existe dans ce domaine aucune statistique officielle. Le marché des changes ne fonctionne pas comme une Bourse de valeurs : nul agent de change ne centralise obligatoirement les transactions effectuées. Il ne peut donc s'agir que d'évaluations faites par les cambistes expérimentés à partir de leurs propres opérations. Ces évaluations doivent être accueillies avec prudence.

Certes, personne ne conteste le développement des opérations financières au cours des dernières années. La question est de savoir si ce développement n'est pas lié précisément au système des changes flottants. Il est très vraisemblable qu'il en est ainsi. Déjà, entre les deux guerres, les périodes de changes flottants avaient donné lieu aux mêmes phénomènes. Le terme anglais qui revient le plus souvent dans la littérature de l'époque est celui de hot money ou de « monnaie brûlante ». Pour se protéger contre les risques de pertes, pour tenter de réaliser des gains, les gérants de trésorerie en devises sont obligés de procéder à des opérations de couverture ou d'arbitrage. Une grande partie des très nombreuses innovations financières qui se sont multipliées depuis quelques années a précisément pour objet de faciliter la couverture du risque de change ou la couverture du risque de taux d'intérêt, (presque tous les mouvements de capitaux d'une monnaie à une autre impliquent les deux risques). On consultera sur ce sujet la très nombreuse littérature, notamment celle concernant les nouveaux marchés d'instruments financiers (Lire par exemple : Catherine Lubochinsky et Didier Marteau, les Marchés à terme d'instruments financiers, éd. ESKA, Paris, 1985 ; lire également dans le rapport RAMSES 1985-1986 de l'Institut français des relations internationales le chapitre consacré à ce sujet.).

Le deuxième argument employé par ceux qui pensent que les banques centrales sont incapables de contrôler durablement les marchés de change s'appuie sur le fait que les places financières des États-Unis sont objectivement les places les plus avantageuses et les plus sûres. En d'autres termes, il n'existerait pas d'alternative aux placements en dollars pour les gérants de trésorerie en devises. La conséquence serait un flux continuel d'achats de dollars sur les marchés de change et, par conséquent, une tendance continuelle à la hausse. Ici, c'est une question de logique qui se pose. L'argument revient à postuler ce qu'il veut démontrer, c'est-à-dire le caractère inéluctable des changes flottants. Si l'on postule au contraire la possibilité de stabiliser les taux de change, les mouvements de capitaux vers les États-Unis continueront d'avoir lieu, mais ils se feront à taux de change fixes.

Le troisième argument porte sur l'absence de munitions suffisantes en dollars chez les banques centrales. La réponse tient en trois points : les cinq banques centrales intéressées disposent de ressources en dollars importantes ; rien ne les empêche d'emprunter des dollars sur le marché monétaire des euro-dollars ; rien ne les empêche surtout de passer des opérations de « swap » avec la banque centrale des États-Unis (système fédéral de réserve).