Chine 1985 : l'année des bilans

Après le boom économique de 1984 et l'ouverture sans précédent de la Chine sur le monde extérieur, 1985 apparaît plutôt comme l'année des bilans et de certaines remises en cause. Comment concilier le développement d'une économie de marché avec le maintien d'une économie planifiée ? Comment poursuivre la politique d'ouverture tout en limitant les ravages de la « pollution idéologique capitaliste et bourgeoise » ? Telles sont les questions qui divisent la direction chinoise en cette année cruciale de préparations du VIIe plan quinquennal.

La Chine se veut à la recherche d'une voie originale de développement, d'un socialisme à la chinoise qui ne soit plus synonyme de retard économique, ceci au prix de concessions idéologiques importantes. Mais comment éviter que les caractéristiques chinoises du socialisme ne se résument à faire passer l'intérêt matériel par-dessus tout le reste ? Et jusqu'où le parti communiste pourra-t-il aller dans la libéralisation économique de la société s'il veut maintenir son contrôle sur la vie politique et culturelle du pays ?

La réforme économique : le bilan

La politique de réforme économique et d'ouverture sur l'extérieur, décidée lors du troisième plénum du XIe Comité central du parti communiste chinois, a été poursuivie en 1985. Cette politique, qualifiée de « deuxième révolution » par Deng Xiaoping, doit permettre à la Chine d'atteindre un produit national brut de 1 000 milliards de dollars en l'an 2000, soit de quadrupler la valeur de sa production industrielle et agricole.

Dans les campagnes, les réformes structurelles qui ont abouti au démembrement des 54 000 communes populaires, progressivement remplacées par 90 000 gouvernements cantonaux, uniquement chargés des questions administratives, sont pratiquement achevées. Le système de responsabilité mis en place en 1980 a été renforcé. Les contrats d'allocation forfaitaire de terre aux foyers paysans ont été étendus d'une durée de cinq à quinze ans au mois de janvier 1984. Au début de l'année 1985, une nouvelle série de mesures pour le développement de l'agriculture fut proposée par le Comité central du parti communiste chinois. Le système de livraison à l'État de quotas obligatoires étant aboli, la vente des produits agricoles devra se faire aux prix du marché, l'État ne conservant qu'un rôle régulateur grâce à des achats importants de céréales et de coton. Pour absorber l'excédent de main-d'œuvre agricole et éviter un exode rural massif vers les très grandes villes de plus d'un million d'habitants, la diversification des activités dans les campagnes devra être favorisée ainsi que l'installation de petites entreprises industrielles et commerciales dans les bourgs et les petites villes. Les transferts de technologie vers les campagnes devront également être encouragés, de même le recours aux investissements étrangers pour la réalisation de grands projets.

Cette politique de réforme dans l'agriculture a porté ses fruits, puisque, de 1980 à 1985, la valeur de la production agricole chinoise a augmenté de 10,2 % par an en moyenne et que le revenu moyen paysan aurait, selon les Chinois, triplé de 1978 à 1985. Il atteindrait aujourd'hui 355 yuans par an (1 yuan = 2,60 francs français).

Dans l'industrie, la décision d'étendre la réforme économique des campagnes aux villes a été prise au troisième plénum du Comité central du XIIe Congrès du parti communiste chinois au mois d'octobre 1984. Il s'agissait, par cette décision, d'améliorer la rentabilité des entreprises et d'augmenter leur capacité d'exportation. Pour ce faire, une série de mesures fut proposée visant à renforcer la vitalité des entreprises en accroissant leur autonomie et en élargissant le système de responsabilité des travailleurs. Le système de rémunération rigide à huit échelons devra être aboli, et les augmentations de salaire ne pourront être accordées qu'en fonction de la rentabilité réelle. L'autonomie financière des entreprises devra être accrue et les financements par crédits bancaires devront peu à peu remplacer les investissements directs de l'État. C'est ainsi que, pour drainer des capitaux, la Banque industrielle et commerciale de Shanghai a émis, pour la première fois, le 1er novembre 1985, pour 15 millions de yuans d'obligations, remportant un succès phénoménal. Une autre émission d'obligations pour un montant de 150 millions de marks avait été effectuée sur le marché européen au mois de mai 1985. Les plans indicatifs et le système de régulation par le marché devront également se substituer aux plans impératifs fixés par l'État.