Journal de l'année Édition 1985 1985Éd. 1985

Plusieurs facteurs ont contribué, en 1984, à cette hausse du dollar par rapport au mark : reprise de l'économie américaine, désinflation, taux d'intérêt réels plus élevés et transferts de capitaux dus à des avantages fiscaux et surtout au fait politique. La tension Est-Ouest et les événements de Pologne contribuent autant que le différentiel économique, à la crainte des investisseurs de se fixer en RFA.

Dans ces conditions, le dollar qui est passé de 8,38 F à fin décembre 1983 (7,43 F en janvier) à plus de 9,50 F fin novembre, après avoir atteint son plus haut 9,85 F le 21 septembre, est économiquement surévalué de 15 à 25 % selon les monnaies et les modèles économétriques.

Vers le réajustement

C'est la raison pour laquelle, dès l'automne 1984, le doute a commencé à s'installer dans les esprits concernant l'avenir de la monnaie américaine. Mais l'absence de substitut au dollar d'une part (l'or, comme les matières premières, est pénalisé par la désinflation, la réduction de croissance économique mondiale en 1985 et la réduction insuffisante des taux d'intérêt), le sanctuaire de sécurité que constituent les États-Unis d'autre part et, enfin, la demande potentielle des besoins internationaux face à la réduction des crédits du système bancaire risquent de maintenir encore longtemps la suprématie du dollar, malgré les efforts des Européens pour développer le rôle de l'ECU.

Toutefois, celui-ci est désormais fragile. Et la moindre opportunité devrait être saisie en 1985 pour que les investisseurs se dégagent d'une monnaie qui, désormais, n'a plus à composer 80 ou 100 % de leurs avoirs. Dans ces conditions, sauf détérioration soudaine de la situation internationale, la détente Est-Ouest entreprise fin 84, devrait favoriser un réajustement des parités entre le dollar et le mark en 1985. Si c'est le cas, le mark se réappréciera vis-à-vis de plusieurs monnaies au sein du SME, sa parité théorique vis-à-vis du franc français étant plus proche de 3,20 F que de 3,07 F.

René Tendron

Activité

À contre-pied

Les années 1984-1985 apparaissent comme celles de la diffusion, dans le monde, de la reprise économique partie des États-Unis au premier semestre 1983. Cette reprise gagne le Japon et l'Europe occidentale en 1984, mais elle ne retrouve là ni la vigueur des redémarrages passés ni la force qu'elle connaît en Amérique. C'est au début de 1985 seulement que l'expansion se raffermit en Europe en s'appuyant, cette fois, sur une demande intérieure en progrès.

Un miracle

Une singularité dans cette reprise de l'économie mondiale : les serpents inflationnistes ne redressent point la tête avec l'activité. Aucun des progrès réalisés dans la lutte contre l'inflation menée depuis 1980 ne semble sacrifié jusqu'ici. Les hausses de prix des produits de base non pétroliers sont stoppées dès le milieu de 1984. Les efforts d'indépendance énergétique réalisés depuis dix ans découragent toute menace de flambée nouvelle des prix pétroliers.

Une contrepartie négative : même pourvus de pétrole, les pays en voie de développement ne connaissent pas de reprise en 1984-1985. En regard de quelques réussites, ce sont, presque partout, la stagnation persistante des activités, les effondrements financiers évités de justesse et à coup de sacrifices intérieurs ; c'est souvent, encore, l'enfoncement dans le sous-développement. Quelques catastrophes humaines viennent de nouveau bouleverser les cœurs et les raisonnements sur le développement du tiers et du quart monde.

La reprise mondiale

La France est le seul des grands pays industrialisés qui échappe au mouvement général des années 1984-1985. La reprise économique mondiale s'arrête pratiquement à nos portes. Pour cause de politique économique restrictive très suivie. Cependant, la reprise de ses partenaires adoucit les effets de la rigueur interne et évite à la France une plongée en franche récession.

En 1983-1984, l'Amérique donne à l'économie mondiale une impulsion qui nous revient peu à peu. Le produit national brut des États-Unis avait augmenté de près de 4 % en 1983, d'au moins 7 % en 1984. Mais il passe aussi, entre le début et la fin d'année, d'un rythme élevé de pleine reprise à un rythme de croisière plus modéré. Le Japon connaît une croissance économique de 5,5 % en 1984 et s'attend encore à 4,5 % en 1985. En Europe, la reprise est moins forte et plus étalée dans le temps. De plus, en Allemagne et au Royaume-Uni, des grèves dérangent son cours en 1984. Le produit national brut de la RFA avait progressé de 1,3 % en 1983 ; il augmente de 2,5 % environ en 1984. La croissance économique est du même ordre au Royaume-Uni.

Les retombées

Tous ces pays, et quelques autres, accélèrent leurs importations. Un fait, négatif pour l'Europe et la France : le dynamisme nouveau des échanges mondiaux est concentré sur la zone Pacifique. La France bénéficie pourtant de cette accélération des échanges, surtout jusqu'au début 1984, alors que les dévaluations successives du franc intervenues depuis 1981 sont encore relativement proches. Mais les effets de ces dévaluations sur la compétitivité des prix de nos produits sont probablement épuisés après le milieu 1984. Deux handicaps structurels recommencent également à se faire sentir : la forte orientation de nos exportations vers les pays en voie de développement (où la reprise est nulle ou faible) ; l'adaptation insuffisante de notre production à la demande des pays industrialisés, où l'accélération des économies est la plus forte.