Journal de l'année Édition 1985 1985Éd. 1985

Même en des temps financièrement difficiles, le gouvernement entend que la coopération demeure un outil privilégié de la diplomatie française. Il reste que la nécessité économique devrait aboutir à la suppression, en l'espace de deux ans, de 2 000 postes de coopérants et que l'on prépare, malgré tout, des réductions budgétaires qui affecteront surtout l'assistance technique. Cela étant, la France souhaite que la renégociation de la convention Lomé, Lomé III, qui lie les pays de la CEE à un grand nombre de pays ACP (Afrique-Caraïbes-Pacifique), soit un bon exemple de sa capacité et de sa volonté d'agir dans le Sud.

Christian Nucci, ministre-délégué au Développement et à la Coopération, estime que la coopération pourrait être plus étroite entre les différents intervenants : c'est ainsi que « les programmes financiers du FMI devraient être accompagnés de programmes de développement à moyen terme sur lesquels s'articuleraient les interventions de la Banque mondiale ». Depuis son arrivée au pouvoir, François Mitterrand ne cesse de réclamer, d'une conférence internationale à l'autre, une augmentation des moyens mis à la disposition des pays les plus pauvres, leur permettant de ne pas tomber dans le désespoir, et pour contribuer à la reprise d'une croissance.

Il s'est heurté, chaque fois, à l'intransigeance américaine, les arrière-pensées politiques n'étant sans doute pas étrangères à cette attitude. Washington, en effet, n'est pas loin de considérer certaines initiatives — comme l'adhésion, en septembre, de plusieurs pays européens, dont la France, au plan de paix en Amérique centrale du groupe de Contadora (Mexique, Colombie, Venezuela et Panamá) — comme une immixtion dans des affaires qui lui sont propres.

L'intérêt porté aux problèmes du Sud conduit la France à signaler, voire à dénoncer, devant les plus hautes instances internationales, les violations des droits de l'homme et des peuples : l'intervention soviétique en Afghānistān, la souffrance et le désespoir du peuple palestinien, l'occupation israélienne au Sud-Liban, au mépris des résolutions des Nations unies, le défi lancé par l'Afrique du Sud à l'indépendance de la Namibie et l'apartheid qu'elle pratique, la poursuite de la guerre en Angola avec la participation sur le terrain de l'armée sud-africaine, les tergiversations sur le droit du peuple du Sahara occidental à l'autodétermination, l'occupation du Cambodge, déjà saigné à blanc par un génocide... Mais par quelles politiques précises et efficaces peut s'exprimer le désir de se faire le champion des peuples et d'appliquer les principes généreux énoncés dans le discours de Mexico du 20 octobre 1981 ?

Les épisodes tumultueux des relations franco-gabonaises montrent bien que la marge de manœuvre est quelquefois très étroite et que la raison d'État n'est pas une notion abstraite.

Philippe Rondot