Journal de l'année Édition 1985 1985Éd. 1985

Diplomatie

La vision pragmatique

La diplomatie française voudrait être la résultante de quelques idéaux, auxquels la gauche est particulièrement attachée, et des contingences imposées par l'évolution du monde. C'est dans la mesure où il semble bien que ces dernières aient amené le gouvernement français à corriger plusieurs de ses orientations diplomatiques que l'on a pu parler d'infléchissement.

Les lignes directrices s'articulent autour de six grands principes, régulièrement rappelés par le Quai d'Orsay : l'indépendance, la sécurité, la paix, le refus de la politique des blocs, l'aide au tiers monde, la défense des droits de l'homme.

L'influence de la France

De l'avis d'une majorité d'Américains (64 %), de Japonais (66 %), de Brésiliens (57 %), d'Espagnols (62 %), d'Allemands de l'Ouest (76 %), de Britanniques (63 %), selon un sondage publié par l'Express, la France ne serait qu'une « simple puissance moyenne ». C'est aussi l'avis des Français (64 %). Mais ces pays considèrent que la France n'a rien perdu de son influence dans le monde depuis l'arrivée de la gauche au pouvoir. Le Brésil pense même qu'elle a augmenté, ce qui paraît assez significatif. Paradoxalement, on lui prête moins de poids en Europe, où elle arrive — pour les États-Unis, le Japon, le Brésil et l'Espagne — en troisième position, derrière la Grande-Bretagne et l'Allemagne ! Pour les Américains, les Japonais, les Allemands et les Britanniques, la France serait même entrée dans une période de « décadence relative ». Ce n'est, bien sûr, pas l'avis de Claude Cheysson, lequel conclut ainsi son discours devant l'Assemblée nationale, le 26 avril 1984 : « Il est frappant qu'un pays comme le nôtre, limité en superficie, en population, en ressources naturelles, puisse être entendu partout. Il n'y en a pas d'autres, à l'heure actuelle, de notre dimension, qui puissent prétendre avoir une politique mondiale, exercer une autorité, être entendus sur tous les problèmes du monde. »

Est-Ouest

La politique extérieure de la France se caractérise par une fidélité sans faille aux principes de l'Alliance atlantique. François Mitterrand, en voyage officiel aux États-Unis (21-29 mars), s'efforce de démontrer aux Américains que, si la France a pu apparaître comme « un partenaire parfois difficile, elle n'en est pas moins fiable ». C'est ainsi, rappelle-t-il, qu'elle s'est engagée fermement aux côtés des États-Unis pour préconiser la mise en œuvre de la double décision de l'OTAN, même si elle n'y a pas pris part et même si elle n'est pas directement concernée par l'installation des Pershing II et des missiles de croisière en Europe. Elle n'a pas craint de dénoncer le surarmement soviétique sur le Vieux Continent (discours du président de la République au Bundestag, le 20 janvier 1983). Aujourd'hui, Paris considère que le danger est devenu moindre — même s'il n'a pas été complètement écarté — depuis le déploiement des Pershing, « solution la moins bonne, quand la meilleure eût été que les SS 20 disparaissent ». Pour la France, seule une chute significative des niveaux des forces nucléaires américaines et soviétiques entraînerait un progrès qui lui permettrait, alors, de participer activement à des négociations. En attendant ce moment, elle gardera son indépendance et ce qui la fonde, c'est-à-dire sa capacité de dissuasion nucléaire autonome.

Le voyage de François Mitterrand à Moscou (20-23 juin) est l'occasion d'y reprendre « un dialogue sans illusions ». Depuis trois ans, le président de la République n'a jamais manqué de prouver sa fermeté dans les rapports franco-soviétiques. L'évocation du sort de Andreï Sakharov, au Kremlin, les références, dans son discours, aux SS 20, à l'Afghānistān et à la Pologne entendent montrer que son langage reste également ferme, face à ses hôtes. C'est l'occasion de réaffirmer tant les divergences d'analyse que l'intérêt que représente, malgré tout, le développement des rapports franco-soviétiques. Là aussi, comme le rappelle Claude Cheysson, responsable du Quai d'Orsay jusqu'au début de décembre 1984, « la France est pour l'Union soviétique un interlocuteur certes difficile, mais constant et fiable ».