En trompe-l'œil, ces statistiques aussi apparemment rassurantes ne doivent pas masquer une réalité qui ne l'est guère. La durée de chômage, et c'est un des problèmes les plus inquiétants, s'allonge : à la fin octobre 1983 par exemple, on recensait 26,6 % des demandeurs d'emplois de plus d'un an contre 25,2 % en octobre 1982. Ce taux était de 59,9 %, contre 58,1 % un an plus tôt, chez les chômeurs âgés de 50 ans et plus. Dans le même temps, les offres d'emplois diminuent d'une manière très préoccupante. En données corrigées des variations saisonnières, le nombre d'offres d'emplois en fin de mois a chuté de manière constante depuis le début de l'année : 115 400 offres en janvier (soit + 61,9 % sur un an), 63 700 en octobre (soit – 32,6 % sur un an). Enfin, l'emploi salarié diminue. Au 30 juin 1983, si l'on considère l'ensemble des secteurs marchands non agricoles, les effectifs salariés avaient baissé de 0,2 % par rapport au trimestre précédent et de 1 % par rapport au même trimestre de l'année précédente. Si l'on en croit Yvon Chotard, vice-président du CNPF, le nombre d'emplois diminue à l'automne de près de 10 000 par mois.

Une telle situation conduit à s'interroger sur le caractère quelque peu artificiel d'une stabilisation du chômage qui ne se traduit pas en créations d'emplois. Si Pierre Mauroy est parvenu à « limiter les dégâts » dans ce domaine, c'est pour l'essentiel au traitement social du chômage, et non à la politique économique du gouvernement qu'on le doit.

Au pied du mur, le gouvernement a pris conscience que le traitement social du chômage avait atteint ses limites, qu'il était à bout de souffle. Convaincu que, ni à court ni à moyen terme, il n'y a de régression possible du chômage sans création nette d'emplois dans la sphère productive, Jack Ralite, ministre délégué à l'Emploi, rejoint tout à fait les propos du président de la République qui déclarait le 28 juin : « Il faut au plus tôt qu'à la gestion sociale s'ajoute une gestion économique qui soit source de richesse à partir de l'investissement source de production. »

Mais entre les principes et la pratique il y a encore quelques écarts. Ainsi le Conseil des ministres du 26 octobre a annoncé des mesures qui, dans une large part, font une bonne place au traitement social, comme la possibilité d'une préretraite progressive pour les salariés ayant exercé des travaux pénibles, s'accompagnant d'une embauche « progressive » aussi de jeunes, l'extension du congé parental, l'embauche de chômeurs inscrits depuis 3 mois par des contrats à durée déterminée de 6 à 18 mois, le versement pour 50 000 chômeurs de longue durée d'une allocation de 2 250 francs par mois en attendant la retraite...

En avril, peu après son deuxième plan de rigueur, Jacques Delors expliquait que le gouvernement avait les moyens de lutter contre les risques d'accroissement du chômage « par le développement du travail à temps choisi, le développement du troisième secteur, une plus grande possibilité d'embauches dans l'artisanat, et bien d'autres mesures encore pour améliorer le fonctionnement du marché du travail ». Que reste-t-il de ces intentions ? La réforme du service public de l'emploi s'esquisse lentement. Le temps choisi a été relancé le 26 octobre par l'idée, à négocier, de la semaine de travail de 30 h appelée alors « temps plein réduit ». Mais, en l'absence de croissance, de tels dispositifs risquent d'être bien impuissants à empêcher la montée du chômage, d'autant que, comme l'a rappelé un rapport des Nations unies, la mutation technologique actuellement en cours « tendra à réduire le travail humain alors que l'on fera de plus en plus suer les machines ».

Accord
La retraite à 60 ans

Considéré comme une « grande conquête sociale », ce texte ne comporte que six articles qui permettent cependant l'entrée en vigueur de cette réforme au 1er avril 1983. Le gouvernement s'étant engagé à créer, dans le cadre du régime général de sécurité sociale, un minimum de pension égal à 2 200 F par mois après 150 trimestres de cotisations, les partenaires sociaux ont décidé d'« assurer la garantie d'une retraite égale à 20 % du salaire moyen de la carrière, pour 37,5 années validées à l'ARRCO, sur la base du taux obligatoire des cotisations ». Cette retraite complémentaire s'ajoutera à la pension du régime général (soit 50 % du salaire plafonné des dix meilleures années).