Cette reprise escomptée par le budget 1982, assortie des mesures spécifiques concernant l'emploi (contrats de solidarité, réduction de la durée du travail, etc.), conduisait à espérer une stabilisation du chômage légèrement au-dessous de 2 millions de personnes à la fin de l'année 1982.

Le besoin de financement global de l'ensemble des administrations publiques atteindra, d'après le budget économique, 2,4 % du PIB environ, contre 0,6 % seulement en moyenne depuis 1976. L'endettement public de la France s'aggrave ainsi fortement : le poids de la dette publique s'alourdit d'ailleurs très rapidement, passant de 36 milliards en 1981 à 50 milliards en 1982, soit une progression de 42 %, tandis que l'on prévoit qu'il atteindra une centaine de milliards en 1983. Tel quel, néanmoins, l'endettement public de la France demeure sensiblement inférieur à celui de la plupart de ses partenaires étrangers.

Enfin, les prévisions économiques tablent sur une modération de la progression des revenus salariaux et non salariaux, en vue de permettre notamment une stabilisation du taux de marge des entreprises.

Ces prévisions officielles risquaient, cependant, à la lumière des indications recueillies dans les premiers mois de l'année, de se révéler encore optimistes : les déceptions viennent surtout de la conjoncture internationale (faiblesse persistante de l'activité, maintien de taux d'intérêts élevés, perturbations monétaires et cours très élevé du dollar, etc). De ce fait, la contrainte extérieure risque, à court terme du moins, de peser encore très lourdement sur l'économie française, limitant les espoirs de reprise et exigeant une extrême prudence en matière monétaire.

Les risques étaient donc, au début de l'année 1982, que l'activité reprenne à un rythme moins élevé, sur une tendance annuelle plus proche de 2 % que de 3 %, tandis que la nécessité de maintenir des taux d'intérêt élevés pourrait compromettre sérieusement les espoirs de reprise de l'investissement. Dans cette hypothèse, le déficit budgétaire pourrait, en cours d'exécution, devenir plus important que prévu, le seuil psychologique des 100 milliards se trouvant largement franchi, tandis que les besoins de financement seraient plus lourds, du fait aussi bien d'une moindre progression des recettes fiscales, que d'un gonflement du budget social déjà clairement traduit par le taux global des prélèvements (fiscal et social) sur le produit intérieur brut qui passe de 42,5 % en 1981 à 43,2 % en 1982 et risque d'atteindre, d'après les projections, le taux record de 44,2 % en 1983, sur une lancée antérieure qui, il est vrai, l'a vu s'élever de 35,7 % en 1973 à 42,5 % dès 1980. À noter d'ailleurs que le règlement définitif de la loi de Finances pour 1981 s'est soldé par un déficit de 81 milliards, au lieu des 30 milliards initialement prévus.

Ce devait être là, en fait, le grand souci des autorités économiques et budgétaires dès les premiers mois de 1982, Jacques Delors et Laurent Fabius concentrant tous leurs efforts sur la nécessité d'empêcher un dérapage des finances publiques en cours d'année et de fixer des butoirs stricts aux demandes des ministres dépensiers dans la perspective du budget 1983.

Cet impératif devenait si pressant, dès les premiers mois de l'année, que le président de la République lui-même a donné des consignes très strictes de compression des dépenses publiques, afin de contenir le déficit de 1982 au-dessous de 120 milliards de F et celui du budget de 1983 dans la limite de 3 % du produit intérieur brut.