Le poids du monde arabe dans les relations internationales renforce l'expansion et le regain d'influence de l'islam en Afrique noire : campagnes de conversion, mais aussi vagues de fanatisme religieux marquent des pays comme le Ghana ou les provinces septentrionales du géant de l'Afrique qu'est le Nigeria. L'islam, et en particulier ses confréries, est présent dans tout l'Ouest africain, notamment dans des pays comme le Sénégal et la Mauritanie, qui ont connu l'activisme intégriste de Ahmed Niasse, l'ayatollah de Kaolack.

En Asie aussi, dont on oublie souvent qu'elle compte les pays musulmans les plus peuplés, l'islam apparaît sous son double aspect traditionnel : système sociopolitique autoritaire et réactionnaire, dans un pays comme le Pakistan où l'islamisation de la vie quotidienne se poursuit sous la loi martiale, mais aussi idéologie de révolte et de libération.

C'est ainsi qu'en Inde des harijan (intouchables) se convertissent massivement à l'islam pour échapper à l'oppression du système des castes, tandis qu'aux Philippines, malgré le ralentissement de l'aide extérieure, le Front moro de libération nationale résiste efficacement à l'armée du président Marcos, dans les îles méridionales de l'archipel.

Europe

En Europe, où vivent de fortes communautés musulmanes, composées notamment de travailleurs immigrés, se pose la question de la place de ces groupes sociaux, et de leur culture, dans la société. À Paris même, un site prestigieux, face à l'île de la Cité, est choisi pour le futur Institut du monde arabe, et le gouvernement annonce, en février 1982, la création d'un Institut d'études supérieures pour les jeunes Français musulmans.

Mais c'est au cœur même du monde arabo-musulman que l'on peut saisir toute l'ampleur du rôle nouveau que joue l'islam dans la vie politique, sociale et culturelle. Les mouvements nationalistes et progressistes, à la phraséologie marxiste et tiers-mondiste, se sont peu à peu transformés en systèmes politiques policiers, répressifs et corrompus.

Le développement économique n'a profité qu'à un petit nombre, augmentant les frustrations des laissés-pour-compte du progrès, bien souvent paysans déracinés qui s'entassent dans les banlieues et les bidonvilles des grands centres urbains.

Les divisions persistantes de la famille arabe et son incapacité à résoudre des problèmes vécus de façon passionnelle — comme la question palestinienne — font apparaître l'islam des premiers temps comme un âge d'or.

Même si quelques soubresauts — comme la grève de protestation contre le mitraillage des fidèles de la mosquée El Aqsa, à Jérusalem, largement suivie dans le monde arabe, le 14 avril 1982 —, témoignent encore d'une certaine solidarité panislamique.

Tous ces éléments font du mouvement intégriste, parfois soutenu par des pays tels que l'Iran ou l'Arabie Saoudite, un véhicule de protestation qui se répand rapidement dans la jeunesse et les milieux urbains.

Maghreb

Au Maghreb, longtemps perçu comme plus occidentalisé, les costumes et comportements islamiques apparaissent de plus en plus dans les rues des villes et dans les universités, notamment scientifiques.

En Tunisie, l'arrestation et la condamnation à de lourdes peines de prison de 107 dirigeants et militants du Mouvement de la tendance islamique, dont Rached Ghannouchi et Abd el Fattah Mourou (4 septembre 1981), ne permettent pas de réduire l'agitation. Les intégristes affrontent violemment la gauche sur le campus de l'université de Tunis, en mars et en avril 1982.

Des heurts sanglants opposent en octobre 1981 policiers et intégristes dans le Sud algérien, à Laghouat, faisant un mort. L'agitation n'épargne pas le Maroc, où le roi est pourtant aussi commandeur des croyants : de graves incidents ont lieu à Tanger en janvier 1982.

Une partie de la jeunesse trouve dans l'islam un moyen d'affirmer son identité et de contester les régimes en place. Ce phénomène est général : ainsi, au Soudan, les Frères musulmans emportent en novembre 1981 les 40 sièges étudiants au conseil de l'université de Khartoum.