Il apparaît, en tout cas, comme lors du voyage de Jean-Paul II l'année précédente, que l'Église de France éprouve certaines difficultés à se mobiliser. Certes, bien des paroisses et des organisations catholiques manifestent toujours une grande vitalité, mais elles paraissent répugner à un effort d'ensemble. Si certaines d'entre elles ont consacré un long travail de réflexion à la préparation de ce congrès, un bon nombre l'ont ignoré purement et simplement.

Stratégie

La préoccupation d'une plus forte cohésion et d'un plus grand dynamisme est sensible lors de l'Assemblée plénière de l'épiscopat qui se tient, également à Lourdes, entre le 26 et le 31 octobre 1981. Les 217 participants à cette conférence évoquent durant une semaine des problèmes très divers, mais on voit bien que l'Église est à un tournant de sa stratégie.

Longtemps celle-ci a été fondée sur les paroisses, qui tissaient sur le territoire comme une immense toile d'araignée et dont les activités rythmaient la vie des collectivités rurales ; depuis plusieurs décennies, pour évangéliser les villes, l'épiscopat avait misé sur l'Action catholique ; mais celle-ci paraît, en certains cas, essoufflée, et ses résultats décevants. Il faut donc inventer une nouvelle stratégie — ce qu'on nomme dans l'Église pastorale — et cela prendra sans doute quelques années.

À l'occasion de cette Assemblée, le cardinal Roger Etchegaray, arrivé au terme de son mandat et non rééligible, quitte la présidence de la Conférence épiscopale française, où il est remplacé par Mgr Jean Vilnet, originaire de la Haute-Marne, qui fut, en 1964, à Saint-Dié, le plus jeune évêque de France, et dont les positions sur les événements sociaux ont été, à plusieurs reprises, très remarquées.

Amérique latine

Prêtres emprisonnés, assassinés, participant à des guérillas ou à des gouvernements de gauche, ou au contraire bénissant des actions de droite, messages épiscopaux et prises de position multiples : dans l'Amérique latine en mouvement, l'Église est au cœur des affrontements. Les évêques, le plus souvent, rejettent dans leurs déclarations toutes les formes de violence, s'efforçant de tenir une balance à peu près égale entre les forces qui s'affrontent.

Tout comme Jean-Paul II, qui déclare le 12 décembre 1981 : « Il faut surmonter, par des moyens qui l'attaquent à sa racine même, le phénomène subversion-répression qui alimente la spirale d'une funeste violence. » On retrouve un égal souci d'équilibre quand le pape dit, dans le même texte : « On ne peut passer sous silence la nécessaire réforme de certaines structures injustes, en évitant en même temps des méthodes d'action qui répondent à des conceptions de lutte des classes. »

On note toutefois qu'à l'occasion des noces d'or sacerdotales de Dom Helder Camara, dont l'engagement est connu, Jean-Paul II lui adresse une lettre particulièrement chaleureuse : « Tu as réussi, lui dit-il notamment, à accomplir de nombreuses missions d'une valeur inestimable. »

Chine

Le 25 janvier 1982, à l'occasion du nouvel an chinois, Jean-Paul II adresse à tous les évêques du monde une lettre dont l'objet essentiel est d'attirer l'attention sur la situation de l'Église de Chine. Il y reconnaît les fautes que Rome a pu commettre, soulignant qu'elle a agi « avec un amour tendre et fort », mais parfois « avec des défauts humains ». Il indique aussi que « depuis quelque temps déjà, dans ce grand pays, les exigences de la liberté religieuse ont trouvé une plus grande compréhension ».

Il est difficile de situer exactement la place de ce message dans le jeu subtil qui met face à face Rome et Pékin. Mais il est certain que les espoirs, exprimés l'année précédente, d'une plus grande tolérance religieuse du régime de Pékin ont été déçus. La nomination, dès juin 1981, d'un prélat chinois, Mgr Dominique Tang, comme archevêque de Canton, avait provoqué les protestations enflammées du gouvernement de Pékin qui l'avait qualifiée de « grossière ingérence dans les affaires souveraines de l'Église chinoise ». Or le Vatican n'avait procédé à cette nomination qu'avec prudence, et alors même que les autorités régionales de Canton avaient déclaré reconnaître Mgr Tang comme évêque.