Même si quelques unités syriennes ont opposé çà et là une certaine résistance, cette défaite militaire est la plus importante qu'ait connue le général Assad, au pouvoir depuis 1970.

USA

Le président syrien n'est plus en mesure de se prévaloir aussi aisément auprès de son opinion publique du titre de « héros de la guerre d'octobre 1973 » (Journal de l'année 1973-74). Le projet grand syrien nourri par Hafez el-Assad — qui consiste à rassembler autour de Damas les Palestiniens, la Jordanie et surtout le Liban — semble lourdement hypothéqué.

Pour les diplomates occidentaux, c'est surtout l'absence de réaction américaine qui a permis à l'État hébreu non seulement de frapper l'OLP, mais aussi de remettre en cause la présence syrienne au Liban. Le 10 février 1982 déjà, c'est Washington qui s'était empressé d'annoncer la grande émeute de Hama — quatrième ville de la Syrie —, dérogeant ainsi aux usages diplomatiques.

L'attitude des États-Unis peut surprendre à première vue. N'est-ce pas le président Reagan qui avait souligné en avril 1980 le « rôle de premier plan » que le président Assad était appelé à assumer au Moyen-Orient ? N'est-ce pas encore le chef de l'exécutif US qui, par son intervention énergique (Journal de l'année 1980-81), avait empêché en juin 1981 Tel-Aviv de détruire les fusées syriennes de la Bekaa ?

Washington a sans doute changé son fusil d'épaule à la suite du resserrement des liens syro-soviétiques, illustré par des manœuvres militaires conjointes entre les armées des deux pays, dans le port de Lattaquieh notamment, au cours de l'été 1981.

URSS

Malgré sa volonté initiale de préserver une certaine indépendance à l'égard de toutes les grandes puissances, le président Assad a dû progressivement se résoudre à l'alliance soviétique. La coopération du bloc communiste, surtout en matière de services de sécurité, paraissait indispensable pour neutraliser la subversion intégriste, de plus en plus audacieuse.

Aux sanglants attentats de Damas (bombes au siège du Conseil des ministres le 17 août 1981, et à proximité du ministère des Affaires étrangères le 3 septembre) succèdent à partir du 3 février 1982 les émeutes de Hama — les plus violentes qu'ait connues le régime Assad. L'artillerie lourde, les chars, les hélicoptères finissent par rétablir l'ordre, au prix de plus de 10 000 tués.

Pour faire face à une opposition de plus en plus farouche, le chef de l'État doit aussi lâcher la bride au clan des durs, dirigé par son propre frère Rifaat el-Assad, qui paraît proche de Moscou et opte pour l'utilisation systématique de la violence. Les relations de Damas avec l'URSS ne sont toutefois pas dénuées d'ambiguïté, Hafez el-Assad s'employant à limiter l'influence du parti communiste syrien, qui n'a plus aucun représentant au Parlement depuis les élections législatives de novembre 1981.

France

Parallèlement, les rapports de Damas avec Paris traversent en 1982 une crise sans précédent depuis 20 ans, marquée par une succession d'événements tragiques : assassinat, le 4 septembre 1981, de Louis Delamare, ambassadeur de France à Beyrouth ; sanglant attentat à Paris, rue Marbeuf, le 22 avril 1982, suivi de l'expulsion hors de France de deux diplomates syriens ; meurtre, quelques jours plus tôt d'un fonctionnaire de l'ambassade française à Beyrouth et de son épouse ; explosion d'une voiture piégée devant l'ambassade de France au Liban, le 24 mai 1982, qui fait 10 morts et 27 blessés.

Les racines du contentieux franco-syrien sont multiples : option de la diplomatie française en faveur d'un État palestinien indépendant et rencontre Cheysson-Arafat, le 30 août 1981, alors que le projet grand syrien implique le contrôle par Damas de l'OLP et de la future entité palestinienne ; bonne volonté manifestée par F. Mitterrand à l'égard de l'État hébreu, qui s'exprime par la visite à Jérusalem du président français début mars 1982, peu après l'annexion du Golan syrien par Israël ; souhait maintes fois affirmé par Paris de favoriser le retrait des forces étrangères — syriennes en particulier — du territoire libanais ; relations privilégiées, militaires notamment, entretenues par la France avec l'Iraq, rival numéro un de la Syrie dans le monde arabe, etc.