La procédure criminelle peut, elle aussi, être abrégée. Le président de la chambre d'accusation a la possibilité, six mois après la première inculpation, de dessaisir le juge d'instruction du dossier et de le transmettre directement à la chambre d'accusation.

Tel est l'essentiel du dispositif législatif adopté par le Parlement. Quelques dispositions complémentaires concernent la protection des victimes, la suppression de la tutelle pénale ou les recours des malades mentaux devant les tribunaux. L'ensemble fait aujourd'hui partie de l'arsenal des codes et des lois.

Inspiré par certaines dispositions de l'Habeas Corpus anglais, ou au contraire, instaurant une généralisation des contrôles d'identité inconnue dans les pays libéraux, vers quelle justice la loi Sécurité et liberté incline-t-elle ? Les années qui viennent le diront, et l'application qui en sera faite, tant il est vrai que la jurisprudence vient compléter les lois pour dire le droit.

La répression du viol et d'attentats aux mœurs

Dans le cadre des dispositions renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes, la loi nouvelle, publiée le 24 décembre 1980, poursuit les objectifs suivants.

Adaptation

La loi rajeunit des notions telles que celle de viol. Sous l'ancienne loi, celui-ci était constitué exclusivement par l'introduction du membre viril dans la cavité vaginale de la femme, contre la volonté de celle-ci. La notion est élargie : le viol est désormais constitué par tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis sur une personne (homme ou femme) contre sa volonté. L'attentat à la pudeur reste caractérisé par tout acte impudique exercé directement sur une personne de l'un ou l'autre sexe, hormis le cas de viol. L'outrage public à la pudeur suppose, en revanche, que l'auteur du délit n'a eu aucun contact avec la ou les victimes.

La nouvelle loi prend en compte la vulnérabilité de la victime (grossesse, maladie, infirmité), et réprime spécialement les actes de barbarie qui accompagnent les délits sexuels. Enfin la loi supprime la circonstance aggravante particulière qu'était l'acte d'homosexualité entre personnes majeures.

Répression systématique

Exception faite des attentats à la pudeur accompagnés de torture ou de barbarie, qui entraînent la prison à perpétuité, les peines encourues sont abaissées : de 5 à 10 ans de prison pour le viol, au lieu de 10 à 20 ans ; et de 3 à 5 ans de prison au lieu de 5 à 10 ans pour l'attentat à la pudeur avec violence.

Sont introduites des peines d'amende (jusqu'à 120 000 F dans le cas d'un attentat à la pudeur commis sur une personne vulnérable) qui complètent en option les peines de prison ou se substituent à elles.

Les viols restent passibles de la cour d'assises, ainsi que les attentats à la pudeur les plus graves ; quant aux autres, ils sont désormais jugés par les tribunaux correctionnels. C'est dire que les délinquants ne bénéficient ni d'une instruction très longue ni de la clémence éventuelle d'un jury.

La répression est facilitée. Ainsi la victime est encouragée a poursuivre son agresseur en justice : peines sévères à l'encontre des médias qui révéleraient l'identité de la victime, huis clos à l'audience, sur demande. Avec la levée de l'obstacle du secret professionnel, le corps médical est convié à participer à la répression. Enfin, des associations spécialisées sont légalement autorisées à agir en justice, en faveur de la victime.

La loi, qui s'applique immédiatement aux affaires en cours, permettra sans doute une répression plus efficace. Les plaintes devraient se multiplier et les délits légèrement diminuer, en raison de l'effet dissuasif qu'entraîne l'introduction des peines d'amende. Du strict point de vue de la victime, cependant, la loi est adoucie à son détriment : les peines sont réduites, et la majorité des affaires sont jugées rapidement devant les tribunaux correctionnels.

Le statut de la magistrature

Depuis l'ordonnance fondamentale du 22 décembre 1958, le statut de la magistrature a été remodelé à plusieurs reprises. La loi du 20 octobre 1980, poursuivant l'œuvre de la loi du 18 janvier 1979, s'attache en particulier à élargir le recrutement de la magistrature, tout en réaffirmant sa dignité et son indépendance.

Dignité et indépendance

Non-cumul avec un mandat européen, obligation absolue de résidence dans le ressort de la juridiction, attribution de droit de l'honorariat à tous les magistrats accédant à la retraite vont en ce sens.

Ouverture et restructuration

Les magistrats ayant accompli au moins quatre années de service dans le corps judiciaire peuvent accéder aux corps jusqu'ici réservés à l'École nationale d'administration, dans les limites du dixième du nombre des fonctionnaires issus de l'ENA.