Aux premiers jours de janvier se précise le programme d'aide à la construction de silos, présenté un mois auparavant par Pierre Méhaignerie. En trois ans, la France doit se doter de 3 millions de t de capacités de stockage supplémentaires avec l'aide de l'État, la participation de l'Office national des céréales et des prêts du Crédit agricole, notamment.

Dès l'été, d'ailleurs, l'abondance des récoltes impose des mesures financières spécifiques : les rigueurs de l'encadrement du crédit risquent de faire obstacle à leur financement. Mais il n'est pas possible d'y déroger. Il faut bien, pourtant, assurer la trésorerie des exploitants. Aussi, le Crédit agricole est-il autorisé, en juillet 1980, à lancer un emprunt obligataire de 4,3 milliards pour financer les récoltes. Rien là d'extraordinaire : cela relève de sa vocation.

Excédents

Mais il est mis à contribution d'autre manière. Depuis l'encadrement, il n'a pu employer toutes ses ressources. Il a donc fait fructifier ses disponibilités. Et ses excédents financiers s'accumulent. Les pouvoirs publics se préoccupent de leur utilisation.

Et, finalement, à l'automne se décide la répartition de 900 millions de F d'excédents : un tiers vient conforter les fonds propres de l'ensemble de l'institution, un autre tiers est affecté aux investissements prioritaires (hydraulique, remembrement, forêt), le dernier est réparti entre l'innovation, la recherche et la formation, d'une part, le Fonds de promotion institué par la loi d'orientation, d'autre part, l'aide aux agriculteurs endettés, enfin.

Mais, au-delà de ces problèmes financiers, s'ouvre un autre dossier. D'une autre ampleur. Celui de la réforme institutionnelle du Crédit agricole. Les difficiles négociations sur la répartition des excédents lui donnent une nouvelle acuité. Au début d'octobre, le Premier ministre, Raymond Barre, nomme trois Sages pour étudier cette réforme. Ils consultent les représentants de l'Administration, des organisations agricoles, des banques. Et se voient saisis, à la fin d'avril, d'un projet d'ensemble établi par la Fédération nationale du Crédit agricole, qui regroupe les dirigeants des caisses régionales. C'est un bouleversement qu'elle propose : transformation de la Caisse nationale, établissement public, en une Caisse centrale de statut coopératif, et suppression totale des limitations des compétences du Crédit agricole qui, donc, pourrait travailler contre toutes les autres banques, mais serait, en contrepartie, assujetti aux mêmes obligations, sans dérogation.

Conquêtes

Jamais encore les résultats du commerce extérieur agro-alimentaire de la France n'avaient été aussi bons qu'en 1980. L'excédent des exportations sur les importations s'élève à 16 milliards de F. Plus du double de l'année précédente. Et les premiers mois de 1981 enregistrent des performances encore meilleures. Le pétrole vert n'est plus un mythe. Au rang des produits champions de l'exportation : les céréales, le sucre, les produits laitiers, les vins et spiritueux.

Les pays de la Communauté demeurent, certes, nos principaux clients. Mais les ventes dans le reste du monde progressent de façon spectaculaire, en particulier vers l'Union soviétique, l'Iran, la Pologne. Et elles s'améliorent sensiblement vers divers pays du continent africain, comme l'Algérie ou le Nigeria. L'ensemble du secteur agro-alimentaire se tourne vers le grand large.

Mais l'analyse de la balance commerciale agricole révèle encore bien des faiblesses. La part de la France sur les marchés des pays développés hors de la Communauté européenne — Amérique du Nord, Japon, Australie — est très faible. Et les importations de protéines végétales destinées à l'alimentation animale, les importations de viande de porc, de fleurs et de produits horticoles continuent de croître. L'agriculture française est, pourtant, en mesure de développer ce type de productions. La conquête de nouveaux débouchés extérieurs doit s'accompagner de la reconquête du marché national. C'est à quoi visent la mise en œuvre du plan pluriannuel de développement de l'élevage, pour lequel le budget de 1981 ouvre les premiers crédits, ou les efforts faits pour accroître la production des plantes protéagineuses, qui permettrait de réduire les importations de protéines végétales.

Valoriser la forêt

En 1980 encore, le déficit de la balance commerciale du bois s'aggrave. Il avoisine les 10 milliards. De quoi justifier la volonté des pouvoirs publics de développer la mise en valeur de la forêt française. Le budget de 1981 témoigne de ce souci. L'organisation syndicale des propriétaires forestiers et sylviculteurs attend, pourtant, avec impatience que le Parlement se prononce sur un projet de loi sur lequel elle fonde bien des espoirs. L'Assemblée nationale en est saisie depuis l'automne. Mais le débat ne s'ouvre pas. L'un des objectifs majeurs de ce texte : l'amélioration de la gestion de la forêt privée. La forêt privée ? C'est dix millions d'hectares boisés, répartis entre 1 600 000 propriétaires, dont 90 % possèdent moins de 4 hectares chacun, le plus souvent en petites parcelles. Une situation qui fait obstacle à l'équipement des massifs forestiers, à une exploitation rationnelle, à la commercialisation des produits forestiers. Il s'agit donc de regrouper les patrimoines forestiers, d'unifier leur gestion pour mieux les valoriser et tirer de la forêt française, sans l'appauvrir, des ressources plus abondantes en bois d'œuvre et d'industrie et aussi en énergie.

Un plan pour les fruits et légumes

Augmentation des coûts de production, lacunes dans l'organisation des marchés, manque de discipline des producteurs : le secteur des fruits et légumes n'est pas sans faiblesses. Il est pourtant riche de potentialités. Il représente 10 % de la valeur de la production agricole, où il vient au quatrième rang en importance après le lait, la viande bovine, les céréales, et occupe 300 000 personnes à plein-temps. Lors de la conférence annuelle de novembre-décembre 1980, un plan, en trois points, est élaboré pour favoriser son essor :
– renforcement de l'organisation économique et technique de la filière, qui implique la mise en œuvre de programmes destinés à améliorer le conditionnement, le stockage, la mise en marché, les investissements commerciaux ainsi que le contrôle de la qualité ;
– généralisation de disciplines minimales à l'ensemble des opérateurs et élargissement des pouvoirs des organisations de producteurs (information sur les plantations, la production, les quantités vendues, les prix, facturation obligatoire) ;
– intervention auprès des autorités européennes pour obtenir une réglementation communautaire plus efficace.