Et puis, au fil des mois paraissent d'autres textes : création du Conseil supérieur d'orientation, qui aura à se prononcer sur tous les grands problèmes de politique agricole, et du Fonds de promotion, qui, financé par les professionnels, est surtout conçu pour faciliter le développement des exportations agro-alimentaires ; renforcement des pouvoirs des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural, qui pourront intervenir plus largement sur le marché des terres agricoles, et de ceux des comités économiques dont sont dotées plusieurs branches de production... Tant et si bien que, le 11 mars 1981, Pierre Méhaignerie peut déclarer devant le Conseil des ministres que la quasi-totalité des décrets d'application de la loi d'orientation sont publiés. À la vérité, il en manque quelques-uns qui font problème.

Dépenses

Il n'en demeure pas moins que le budget pour 1981 prend en compte les actions prioritaires retenues par la loi d'orientation, bien que celle-ci ne soit pas encore entrée totalement en vigueur.

Dans ce budget, l'ensemble des dépenses publiques bénéficiant à l'agriculture se chiffre à 70,8 milliards de F : 16,6% de plus qu'en 1980. Sur ce total, le budget du ministère de l'Agriculture au sens strict compte pour 27,9 milliards ; il privilégie les actions prioritaires : recherche et formation, investissements « porteurs de progrès », comme les appelle le ministre — hydraulique, remembrement, actions forestières —, l'installation des jeunes, l'orientation de l'élevage.

En revanche, d'autres dépenses d'équipement régressent, telles les subventions aux investissements de stockage, conditionnement et abattoirs publics ou encore celles aux bâtiments d'élevage.

En fait, une très grande partie des dépenses agricoles reste affectée au régime de protection sociale des familles d'agriculteurs. Sur les 41,2 milliards que représente le budget social agricole, la subvention du ministère de l'Agriculture se chiffre à 8,7 milliards contre 7,5 l'année précédente : une progression de 15,4 %, nettement inférieure à celle de 1980 où elle avait été de 23 %, et un peu plus faible que celle des cotisations des exploitants (15,8 % en moyenne). Cette évolution marque l'amorce d'une relatif désengagement de l'État dans le financement de la protection sociale des agriculteurs.

Recommandations

Ce désengagement constitue d'ailleurs l'une des recommandations formulées dans le rapport de la Commission de l'agriculture et des industries agricoles et alimentaires du VIIIe Plan, rendu public au début de juillet 1980. Les objectifs proposés par cette Commission convergent, au vrai, avec ceux de la loi d'orientation. Elle conseille, en effet, d'accélérer l'adaptation de l'agriculture et des industries agro-alimentaires à l'économie de marché. Une adaptation sans laquelle leur expansion, qui repose désormais pour l'essentiel sur la conquête de nouveaux débouchés, ne pourrait être assurée. Et cela suppose de favoriser l'établissement de jeunes, mieux formés, plus dynamiques, pour prendre la relève d'une population de chefs d'exploitation dont le vieillissement s'accentue. De redéployer aussi les dépenses publiques des emplois improductifs vers les investissements de modernisation et d'équipement.

Le nouveau ministre de l'Agriculture, Édith Cresson, reçoit le 10 juin les différentes organisations syndicales. La veille, le Premier ministre Pierre Mauroy avait annoncé aux dirigeants des organisations paysannes les premières mesures sociales prises en faveur des agriculteurs :
– augmentation de 20 % de la dotation d'installation aux jeunes agriculteurs ;
– majoration de l'enveloppe des prêts bonifiés ;
– revalorisation des retraites et pensions ;
– création d'environ 500 emplois d'aides ménagères ;
– allongement du congé de maternité pour les agricultrices.

Crédit

Des investissements, l'agriculture en a besoin. L'importance de la récolte céréalière le met en lumière. Les exportations, en début de campagne, démarrent mal. Elles s'accélèrent à partir de 1981. Mais l'embargo sur les ventes de grains à l'URSS, maintenu par la Communauté européenne par solidarité avec les États-Unis, fait obstacle au projet de la France de vendre 600 000 t de blé à l'Union soviétique. Et sa levée, à la fin d'avril, intervient un peu tard. Cette situation montre — à quelque chose malheur est bon — que les capacités de stockage de la France sont devenues insuffisantes. Depuis plusieurs mois, les céréaliers l'affirment. Le gouvernement en prend conscience.