Dans bien des pays du tiers monde, le puits, la pompe ou le trou d'eau se trouvent à des kilomètres du village. Bien souvent aussi, dans les bidonvilles et les quartiers périphériques, les bornes-fontaines ne fonctionnent que quelques heures dans la journée et il faut y faire la queue longtemps. Femmes et filles passent souvent plusieurs heures à la corvée d'eau. Dans les villages, l'eau puisée est souvent contaminée par les matières fécales humaines et animales. Même l'eau de pluie, recueillie et conservée dans des bassines, finit par contenir des microbes, faute de précautions sanitaires.

Près de 80 % des maladies dans les pays en voie de développement sont liées au manque d'eau propre.

Stagnante

Dans le tiers monde, chaque année, 25 millions de personnes meurent de diarrhées et de dysenteries causées par l'ingestion d'eau souillée. L'eau est le vecteur direct de la typhoïde, du choléra, de l'hépatite virale, de l'amibiase. Empêchant la propreté du corps et du linge, la pénurie d'eau est la cause indirecte du trachome, qui rend aveugle, et de diverses maladies de peau.

Enfin, surtout en milieu tropical, c'est dans l'eau stagnante infestée et dans la boue que se développent les larves de divers insectes, vecteurs du paludisme, de la maladie du sommeil, de la fièvre jaune, et certains vers parasites comme le schistosome (ou bilharzie) et la filaire de Médine.

Dans les pays industrialisés, les problèmes de l'eau, pour être différents, ne se posent pas moins. Il peut y avoir pénurie temporaire, comme lors de l'exceptionnelle sécheresse de 1976, et risque de contamination par assèchement partiel des bassins de retenu ; alimentant les populations ; ou pénurie locale permanente lorsqu'une très grande ville se développe rapidement dans une région à ressources hydriques insuffisantes. C'est le cas de Los Angeles, qui est en grande partie approvisionnée en eau par le barrage-réservoir du Hoover Dam, sur le fleuve Colorado, à des centaines de kilomètres plus au nord.

Mais le principal problème est la pollution des cours d'eau, des lacs et des nappes souterraines par les effluents et les déchets solides de certaines industries, par les insecticides, les fongicides, les engrais synthétiques, qui s'infiltrent dans les nappes phréatiques, contaminant les sources. Depuis quelques années, la pollution industrielle des ressources hydriques atteint aussi certains pays du tiers monde. Ainsi l'eau potable risque de manquer, même dans des endroits où elle est stockée en grandes quantités.

Décennie

Deux tâches complémentaires s'imposent donc : fournir à chacun l'eau propre pour la boisson et les soins corporels, assainir les ressources hydriques existantes. Sans campagnes d'éducation sanitaire, sans mesures préventives contre la pollution, l'eau purifiée et rendue potable peut être, à nouveau, rapidement polluée et dangereuse à consommer. C'est cette double caractéristique du problème de l'eau qui a incité la 31e assemblée générale des Nations unies (novembre 1980) à décider que la période 1981-1990 serait la Décennie internationale de l'eau et de l'assainissement. Le principe en avait été posé dès 1977 à la conférence de Mar del Plata, en Argentine. Le comité directeur de la Décennie réunit les représentants de sept organisations des Nations unies : ONU, OMS, FAO, PNUD, UNICEF, OIT et Banque mondiale.

Coûts

Le coût de l'installation de l'eau courante dans chaque logement, évalué par la Banque mondiale, est de 50 à 100 $ par habitant ; l'installation d'une borne-fontaine publique ne coûte que 10 à 25 $ par habitant. Pour l'évacuation des eaux usées et des matières fécales, le tout-à-l'égout coûte de 80 à 100 par habitant, les latrines, ou W-C à fosse septique, de 5 à 10 $ par habitant.

Actuellement, il faudrait fournir des installations sanitaires à presque 2,5 milliards d'êtres humains et de l'eau potable, comme on l'a vu, à près de 2 milliards de personnes. Une partie de l'investissement (entre le tiers et le quart) sera assurée par les pays industrialisés, mais la plus grande partie devrait provenir des pays en voie de développement eux-mêmes. Même si on se limitait aux solutions à bon marché, on estime que le coût total du programme « eau et assainissement pour tous en 1990 » atteindra au moins 600 milliards de dollars.