La mission de Rioumine et Popov a attiré l'attention des spécialistes sur les progrès des méthodes d'adaptation à l'état d'impesanteur. Jusqu'alors il était admis que le séjour dans l'espace devait entraîner une perte de poids. Or Rioumine et Popov ont gagné à bord de Saliout respectivement 4,7 et 3,2 kg. Progrès aussi en matière de revigoration des muscles rendus atones : dès le lendemain de leur atterrissage, les deux cosmonautes faisaient une courte promenade dans le cosmodrome de Baïkonour alors que six mois durant les muscles de leurs jambes n'avaient pas eu à supporter le poids du corps. Le vol Soyouz 40 semble devoir mettre fin à l'activité de Saliout 6 qui, pendant 44 mois, aura reçu 14 équipages.

ASE : nouveau départ

La convention qui, mettant fin à l'existence de l'ESRO, instituait l'Agence spatiale européenne, date de 1975. Pendant cinq ans, cette organisation n'a cessé d'être le théâtre d'une lutte d'influences qui a nui à son fonctionnement. En 1980, le budget n'ayant pu être adopté globalement, l'ASE a dû fonctionner en votant chaque mois un budget partiel. Un fait nouveau est intervenu le 30 octobre, lorsque la France a ratifié la convention de 1975. L'organisation se trouvait juridiquement dotée du statut qui lui permettrait un fonctionnement plus régulier.

La situation ayant été ainsi normalisée et les organismes directeurs restructurés, des plans à court et long terme (1981-1990) ont été adoptés et un budget pour 1981 voté par les onze membres de l'organisation : RFA, Belgique, Danemark, Espagne, France, Irlande, Italie, Pays-Bas, Royaume-Uni, Suède et Suisse. L'Autriche, en tant que membre associé, ainsi d'ailleurs que le Canada et la Norvège, pays observateurs, participent à certains programmes.

L'ASE a maintenant à sa tête Erik Quistgaard, directeur général, M. Bignier, directeur des programmes de transport spatial (Spacelab et Ariane), et E. S. Mallet, directeur des programmes de satellites de télécommunications. Son budget pour 1981 est de 603 millions d'ECU (environ 3 500 millions de F), en légère baisse sur celui de l'année précédente. Il doit diminuer encore en 1982 et 1983, pour se stabiliser ensuite autour de 450 millions d'ECU (environ 2 600 millions de F).

Par suite des retards accumulés dans la mise au point de la navette américaine qui doit lui servir de véhicule, le premier Spacelab européen n'effectuera pas sa mission spatiale avant juin 1983. L'ASE et la NASA ont décidé de tirer profit du délai pour prolonger la formation des trois premiers Européens sélectionnés pour participer à ce vol. Alors qu'en 1980 ils n'auront été que de simples astronautes-passagers au service de la charge (le Spacelab), ils deviendront en 1983 des astronautes titulaires capables d'assumer une mission Spacelab Shuttle. Mais des trois hommes — le Suisse Claude Nicollier, le Hollandais Wubbo Ockels et l'Allemand Ulf Merbold —, seuls les deux premiers ont bénéficié de cette promotion.

Ariane

Le lanceur Ariane est beaucoup plus important que Spacelab pour l'avenir de l'ASE. Dans le grand public, l'échec du deuxième tir de cette fusée (Journal de l'année 1979-80) a été ressenti comme une catastrophe. Or, si quatre tirs d'essai avaient été prévus, c'était bien dans l'éventualité d'échecs. Moins émus par ces aléas, les professionnels continuent à miser sur l'avenir du lanceur européen. Depuis l'accident en question, de nouvelles commandes ont été enregistrées. En janvier 1981, 14 fusées étaient déjà vendues. Aussi la production de ces lanceurs se poursuit-elle.

Les deux fusées d'essai encore disponibles seront déjà porteuses de satellites ; 6 exemplaires de la première série (du 5 au 10) ont été déjà construits ou sont en construction ; une nouvelle série (11 à 14) a été mise en fabrication ; enfin, des ordres d'approvisionnement ont été déjà lancés pour cinq autres fusées (15 à 19). L'importante société américaine Grumman Aerospace, elle-même constructrice de matériel aérospatial (module lunaire du projet Apollo, ailes du Space Shuttle), est devenue en décembre 1980 le partenaire d'Arianespace pour la commercialisation du lanceur européen aux États-Unis.