Ce malaise vis-à-vis de l'information télévisée, latent depuis plusieurs années, prend une forme radicale dès le soir du 10 mai, lors de l'élection du nouveau président de la République : certains responsables de l'information audiovisuelle sont conspués au cours de la fête populaire que le parti socialiste organise à la Bastille. Aussitôt, on s'interroge sur ce thème : la gauche au pouvoir va-t-elle pratiquer sa propre chasse aux sorcières à la télévision et, remplaçant les gens placés par l'ancien pouvoir par des hommes plus « sûrs », se livrer à cette mainmise sur l'information qu'elle a si vivement reprochée aux gouvernements précédents ?

Le ministre de la Communication, Georges Fillioud, assure qu'il n'en sera rien et que le projet du gouvernement de Pierre Mauroy sur ce point n'a pour seule ambition que la libération de l'information audiovisuelle de tout pouvoir. Il convoque néanmoins les présidents des sociétés de programme pour leur adresser une vive critique sur la manière dont, à son avis, les obligations du service public sur le pluralisme de l'information ont été remplies sous leur responsabilité. Plusieurs déclarations publiques suivront, qui appelleront explicitement les mêmes responsables à démissionner d'eux-mêmes et les journalistes à exiger les conditions d'un travail objectif.

Au lendemain des élections législatives, le 22 juin, le président d'Antenne 2, Maurice Ulrich, présente le premier sa démission, bientôt suivi de Claude Contamine, aussitôt remplacé à la tête de FR3 par Guy Thomas, chroniqueur à Europe 1 et rédacteur en chef à la Lettre de l'Expansion. Ce qui ne résout qu'à moitié le malaise des rédactions où l'on estime que, si les journalistes de l'audiovisuel doivent avoir leur mot à dire sur la nomination de leurs responsables — au moins un droit de veto —, ils n'ont pas à faire le ménage à la place des dirigeants politiques et en particulier de leur ministre de tutelle.

Tendue

C'est dans cette atmosphère quelque peu tendue que l'Élysée annonce la suppression de la ligne téléphonique directe qui le reliait aux rédactions de la rue Cognacq-Jay. C'est également à ce moment-là, le 29 juin, que Maurice Ulrich, P-DG démissionnaire d'Antenne 2, met fin aux fonctions de Jean-Pierre Elkabbach, directeur de l'information d'A2, souvent cité comme le symbole de l'information telle que la souhaitait le gouvernement précédent. Le chef du service politique, Noël Copin, assure l'intérim de ce poste.

Situation bien périlleuse, toujours au bord de l'explosion : depuis le début de la Ve République — qui correspond au grand boum de la télévision en France —, le petit écran, et surtout l'information qu'il dispense chaque jour dans des millions de foyers, est sujet à de graves convulsions. Ce formidable instrument de communication peut si facilement devenir un puissant outil de propagande pour l'idéologie du pouvoir en place.

Aussi le défi que lance le gouvernement de François Mitterrand est-il de taille : tout en demeurant garant du service public des ondes, le pouvoir entend couper le cordon ombilical qui relie les dirigeants politiques à ceux qui ont pour mission d'informer la nation. Beaucoup, en France, attendent cette réforme avec une attention particulière.

Les programmes, pendant ce temps, ont poursuivi leur train habituel, tiraillés entre les recettes les plus épaisses du divertissement (telle cette série anglaise diffusée sur FR3 le dimanche soir, Benny Hill) et quelques efforts louables de création originale.

À ce titre, la période des fêtes de fin d'année est, comme chaque année, la vitrine prestigieuse de ce qui peut être considéré comme le nec plus ultra de l'imagination des producteurs et des programmateurs. Bien sûr, la messe de minuit, sur TF1, s'est vue retransmise en direct du Québec, par satellite. Bien sûr, il y eut la bonne surprise du concert de Joan Baez le 4 janvier, mais le téléspectateur a eu droit à sa ration annuelle de Mireille Mathieu, Annie Cordy et autres Sylvie Vartan. Et l'on n'a pas diffusé moins de 40 films en près de 15 jours (soit une moyenne de près de trois films par jour !).