Très différent, mais également porté par ses interprètes, le film de Benoît Jacquot, Les ailes de la colombe, a déçu les admirateurs de L'assassin musicien : cette adaptation actualisée d'une nouvelle d'Henry James a beau mettre en présence deux belles et grandes interprètes, Isabelle Huppert et Dominique Sanda, ce sont surtout les (admirables) vues de Venise que l'on en retient, car l'émotion en est, hélas, absente. Comme elle est absente de la superproduction franco-italienne de Mauro Bolognini, La dame aux camélias, où l'on retrouve encore Isabelle Huppert (elle a été à l'affiche de cinq films cette année) en Marie Duplessis, bizarrement évanescente, comme étouffée sous la somptuosité des décors et des costumes.

Comédies

Tous ces films psychologiques et sentimentaux ne font pas oublier, bien sûr, les inévitables comédies à la française qui ont remporté quelques grands succès. En tête, pour ses entrées du moins, L'inspecteur La Bavure, de Claude Zidi, réunissant un tandem insolite (et peu plausible), Depardieu et Coluche.

Puis la dernière production de Gérard Oury, Le coup du parapluie, sans de Funès mais avec Pierre Richard et Valérie Mairesse. Et La cage aux folles no 2, où Édouard Molinaro retrouve son prodigieux interprète, Michel Serrault. Un tristounet Roi des cons, de Claude Confortés, que Francis Perrin, pourtant bien sympathique, ne parvient pas à sauver d'une étrange maladie de langueur ; un Lautner qui ne va pas très loin, Est-ce bien raisonnable, sans Belmondo, mais avec Miou-Miou et un nouveau venu qui monte, Gérard Lanvin (découvert dans Extérieur nuit, confirmé dans La provinciale, il pourrait bien être le Dewaere de demain) ; un hommage à Francis Blanche, Signé Furax, où Marc Simenon, pourtant aidé par une pléiade de vedettes du comique, n'a pas réussi à faire passer l'humour burlesque du feuilleton radiophonique : rien, ici, ne laisse de souvenirs inoubliables.

À sauver pourtant, un film modeste mais qui a connu un succès inattendu (il occupe la 8e place au box-office), Viens chez moi, j'habite chez une copine, une jolie réussite, dans l'insolence et la désinvolture très moderne de Patrice Leconte, qui doit beaucoup à ses interprètes, Bernard Giraudeau (le nouveau séducteur qui monte, lui aussi) et surtout Michel Blanc, une vedette du café-théâtre.

Du côté des policiers, curieusement, les réalisateurs sont rares cette année. Tout juste si l'on trouve Jacques Deray, qui, dans Trois hommes à abattre, a conçu un rôle sur mesure pour Alain Delon, éternel samouraï solitaire en butte à tous les méchants, et Robert Enrico, qui, dans Pile ou face, a tissé un subtil et séduisant face-à-face entre Philippe Noiret, commissaire opiniâtre, et Michel Serrault, suspect bien difficile à coincer et bien sympathique.

Maîtrise

Année faste, en revanche, et c'est un message d'espoir pour notre cinéma, du côté des premières œuvres. On a rarement compté autant de débutants qui, d'emblée, ont impressionné par l'originalité de leur ton ou leur parfaite maîtrise. Avec une étonnante diversité dans le choix des sujets.

L'univers des marginaux, d'abord, très en vogue. Ainsi, Extérieur nuit, de Jacques Bral, qui révèle deux jeunes acteurs à la forte personnalité, Christine Boisson (ici chauffeur de taxi) et Gérard Lanvin, et Neige de la comédienne Juliet Berto, sur l'univers des paumés et des drogués de Pigalle et de Barbès.

Celui de l'enfance, plus traditionnel pour un premier film, avec Anthracite, d'Édouard Niermans, remarquable évocation d'une enfance dans un collège de jésuites, et la Femme enfant, de Raphaëlle Billetdoux, scabreux et pourtant poétique récit des amours d'une adolescente avec un jardinier pas très adulte (un thème à la mode que celui des Lolita, puisqu'il a aussi inspiré Roger Andrieux dans la Petite sirène et Bertrand Blier dans Beau-père).

Très cotées également les incertitudes du cœur de la trentaine. Elles sont notamment explorées dans L'homme fragile, de Claire Clouzot, et qui permet à un nouveau jeune premier, Richard Berry, de s'imposer, en parallèle avec son interprétation impressionnante de tueur de prostituées amoureux d'une star dans le film ambigu de Michel Vianney, L'assassin qui passe. Dans la même veine, mais sur un ton plus souriant, Jacques Monnet a réussi un coup de maître en traçant le portrait d'une poignée de jeunes provinciaux pas très mûrs dans Clara et les chics types, avec une Isabelle Adjani décontractée au milieu d'une savoureuse bande de garçons et de filles venus du café-théâtre et que le cinéma, désormais, s'arrache.

Marginal

À rattacher à cette inspiration, deux films de réalisateurs plus vraiment débutants mais toujours un peu en marge : Deux lions au soleil, où Claude Faraldo promène deux prolétaires homosexuels (et au chômage) dans une tendre histoire policière ; et Plein sud, de Luc Béraud, où Patrick Dewaere, improbable mais savoureux petit prof à lunettes, plonge dans la grande aventure marginale pour les beaux yeux — et le reste — de la nouvelle coqueluche de l'écran, Clio Goldsmith.